Printemps... saison du renouveau. Quand la météo devient clémente, plus encore si elle est optimale, les pilotes sortent de leur hibernation. Dès juin quand les conditions s'y prêtent, les voyages recommencent.

C'est alors qu'une déferlante de sombres événements ravage les clubs. Drames dont on ne comprend pas la raison, dont on feint d'ignorer les causes, ou dont il est de bon ton de taire les circonstances.

D'excellents pilotes disparaissent... Excellents, ou du moins expérimentés, comme on dit...

Des pilotes en âge de raison, si ce n'est mûrs, qui ne sont ni des casse-cou, ni des écervelés. Des gars ''sûrs'' avec qui on prendrait l'air sans crainte.

Que se passe-t-il donc à cette saison ? Quelle mystérieuse fatalité fait s'écraser les ULM ?

J'émets l'hypothèse que l'envie de voler devient notre pire ennemie. Après parfois plusieurs mois cloués au sol à ''faire du bois'' ou des mots-croisés, certains pilotes perdent leurs repères. Pas tous, mais ceux, assez indistincts, essentiels à la sécurité des vols.

Perte de référence (pente, altitude, vitesse verticale, hauteur d'arrondi...) ; perte de réflexes (gestion des inattendus, panne moteur, rafale, thermique...) ; perte des automatismes (regard circulaire, adaptation des facteurs humains...) ; la somme des acquis qu'on peut perdre, sans en être conscient, vaut largement qu'on remette en question la pérennité de ces fameux acquis.

Ainsi dans sa grande sagesse, une autre aéronautique impose-t-elle un minimum annuel d'heures de vol et la vérification régulière des compétences. L'ULM ne prévoit pas cela, et on s'en félicite. C'est à chacun de savoir où en est son expérience, et à opter pour de sages solutions de contrôle, de mise ou de remise à niveau.

Ainsi, n'ayant pas tenu de manche durant l'hiver, pour diverses raisons, dont une sur-occupation personnelle et professionnelle, piaffant comme un dingo à chaque ronronnement dans mon carré de ciel, j'ai ressorti le zinzin pour une virée en bord de mer avec la Jojo. Journée idéale prévue de longue date par la météo, au coeur d'un anticyclone, sans trop de chaleur, avec le juste nécessaire venteux pour agrémenter une balade sur la plage et un timing dégagé de toute obligation...

Un tableau parfait qu'il ne s'agissait de gâcher en aucune manière. Conscient de n'avoir pas tenu le manche depuis un temps inhabituellement long, j'ai demandé à l'instructeur local - Claude - de m'accompagner pour un tour de piste avant de partir en amoureux torturer les moules et dézinguer les bigorneaux. Même pas un tour ; seulement un demi-tour abrégé par une PTU patatoïdale.

Formalité inutile, vu l'immédiate remise en main de l'ULM. Inutile... peut-être pas. Mon comportement avec l'instructeur n'est pas celui que j'ai avec ma vulnérable passagère. Elle ne saurait, contrairement à Claude, rattraper une bêtise due au manque de pratique...

Donc inutile formalité, mais selon moi indispensable. Mieux encore : j'aurais été impardonnable de ne pas m'y contraindre. Même si tout s'était bien passé, comme cela s'est d'ailleurs déroulé.

Parce qu'on ne préjuge pas de ce qui pourrait être ; on fait en sorte que cela soit, et soit bien.

Je n'affirme pas que les pauvres bougres qui se sont tués à la reprise des vols ont commis la faute de redémarrer la saison sans précaution. Je prétends seulement qu'il est de la responsabilité d'un pilote de douter de ses capacités après une période d'interruption de pratique.

Un tour de piste en élève, cela ne coûte pas cher... Même pas à l'égo, puisqu'on passe pour un gars sensé.

La prévention ne doit pas être une réglementation ; mais la sagesse doit être la règle.

Et comme le dit Gilou, philosophe-dieséliste : la témérité a le goût du courage, mais l'odeur du chrysanthème.

Bons vols, avec prudence.

Miguel Horville