L'assemblée générale de la FFPLUM du 19 mars dernier a permis à Jean-Christian Wilmes de présenter le concept Valoriance qu'il a développé avec son équipe à travers 15 ans de recherches sociologiques. Une intervention que l'auditoire a écouté d'une oreille légère, le ton de l'orateur n'invitant pas à la mélancolie.

Révélant tour à tour nos inquiétants comportements sociaux ou notre grande force intérieure pour les combattre, ce pilote ''intelligent'' démonte habilement le mécanisme qui nous fait voler, pourquoi nous volons et pourquoi nous devrions nous en abstenir parfois.

Vous l'aurez compris, le facteur humain est au centre du débat. Ce ''widowmaker'' (faiseur de veuves) a déjà sonné le glas pour de nombreux pilotes et n'a pas l'intention d'en rester là. Comme un oiseau de proie, il attend la moindre de nos faiblesses pour fondre sur nous inexorablement.

Or cette bestiole impalpable vit en chacun de nous. Elle est une hydre qui guette le moment opportun pour frapper. Du plus responsable des pilotes, du plus adroit au plus malin, nous sommes tous exposés.

Pas de vaccin efficace contre elle, en dépit des piqûres de rappel qu'on reçoit à l'occasion d'un drame, d'une perte chère.

Relisant l'enquête du BEA relatif à l'accident qui détruisit la famille Ecalle, je pensais à tous ces vols qui n'auraient pas dû être entrepris. Cela nous concerne tous, il me semble. J'ai cherché un dénominateur commun à mes propres vols tangents et n'en ai finalement pas trouvé. Au mieux un instant de folie. Trouver un remède dans ces conditions devient compliqué.

Faut bien rentrer ... on va pas s'affoler pour si peu ... j'ai rendez-vous ... j'ai promis d'y aller ... Quel autre mauvais argument n'a-t-on pas imaginé pour justifier l'injustifiable ? Même en silence, pour rassurer sa conscience...

Je reviens donc sur la démonstration de Jean-Christian Wilmes qui faisait intervenir des notions telles que le bien-être, le moral, la santé ou ... l'amour ! Incongruité ? Pas si sûr. Il n'est pas concevable qu'un individu touché par la plénitude risque sa peau, ou celle des autres. Il faut une affection mentale pour cela. Reparlons de l'instant de folie.

Seul problème : on juge avec les outils dont nous sommes dotés pour le faire. Or quand l'outil est déréglé, la mesure l'est aussi. On peut donc être dingo, mais parfaitement honnête en affirmant ne pas l'être. Au passage, voilà qui dédouane de bien des responsabilités.

Nous, pilotes d'ULM, et plus généralement pilotes VFR, n'avons pas les impératifs des pilotes commerciaux, pas plus que l'équipement et le savoir faire nécessaire pour voler en conditions dégradées, qui vont des visibilités réduites aux bourrasques qui surprennent les pendulaires, comme le décrivent les tristes informations trop souvent relatées dans les Actualités de ce magazine. Nous volons pour le plaisir et aucunement pour accomplir des missions, et encore moins honorer des rendez-vous.

Car, ce faisant, on oublie la première phrase que nous a inculqué notre instructeur : l'avion est un véhicule rapide pour des gens pas pressés. Sans doute la notion la plus importante de toute notre formation.

Ce qui signifie que les retours de weekend, dimanche soir deadline, s'apparenteront encore et toujours à des vols potentiellement funestes comme l'accident sus-cité en a fait la démonstration.

Pour nous, ''coûte que coûte'', doit rester positif : nous devons ''coûte que coûte'' prendre du plaisir et ''coûte que coûte'' revenir de nos balades entiers, de préférence avec la banane.

Donc pour en revenir à l'exposé de Jean-Christian Wilmes, je vous invite à visionner une sélection de ses moments forts ; vous constaterez que certaines portes ouvertes méritent encore d'être enfoncées.

Bons vols, avec légèreté.

Miguel Horville