Quand, en 2014, Christophe de Margerie pronostiquait un baril de brut à 200 dollars et un litre de Super à 2 euros, d'étranges envies s'emparaient des gros consommateurs que sont les aviateurs, ulmistes y compris.

Puis le messager est mort et nous respirions mieux, vu que c'est toujours le messager qui doit répondre des mauvaises nouvelles. Et parallèlement à sa disparition, le cours du pétrole a commencé à baisser.

N'y cherchez pas de corrélation ; ces choses nous sont inaccessibles.

Puis baisser, et rebaisser, et surbaisser... jusqu'à atteindre un plancher historique de 30 dollars le baril. Si cela n'allège que sensiblement le prix du carburant à la pompe, nous nous en trouvons suffisamment rassurés pour retrouver le sourire.

Ainsi, les plus pessimistes qui envisageaient la vente de leur aéronef avant saturation des marchés, se sont remis à positiver. Se sont rassis au manche et ont volé jusqu'à oublier les crises boursières, les hausses du carburant et tout ce qui défait le moral des 99% en enrichissant le pur-sang restant.

Et remarquez avec quelle synchronie l'actualité verte passe en second plan ! D'un coup, les motoplaneurs électriques, les cellules solaires, les moteurs diesel ou les piles à hydrogène se transforment en passades de nantis, voire en science fiction.

Quand on peut polluer pour pas cher, pourquoi chercher des trucs dingues et coûteux, dont on ne sait si ils fonctionneront un jour ?

2016, année de l'essence bon marché ! Il semblerait bien que oui. Ceci grâce à des chinois qui s'engluent dans une croissance réelle en berne ; ceci grâce à des mésententes politiques entre pays du Golfe, ceci grâce à des ricains qui bidouillent d'étranges combines mi-schiste, mi-brut, et s'entre-rachètent des compagnies en faillite... Ceci grâce surtout à notre faible volonté d'arrêter la machine à chier des dioxydes de merde dans l'atmosphère.

Donc en cette fin d'année, en ce début de prochaine et pour beaucoup d'autres à venir, je constate que nous nous satisfaisons égoïstement d'une planète en décrépitude enveloppée d'un manteau grisâtre de fumées mortelles.

Nous nous en satisfaisons parce que seuls de mauvais exemples nous sont exhibés. Parce que des COP21 polluent plus par leur mauvaise administration que des centaines d'usines chinoises. Parce que nous acceptons de payer le prix du confort et du plaisir. Parce que nous ne percevons pas les conséquences de nos comportements.

Et surtout parce qu'aucun d'entre-nous ne sera le premier à accepter une perte de liberté sous couvert d'écologie. Quand j'écris NOUS, je pourrais écrire JE. Car arrêter ce bigntz, idéalement, oui. Mais à condition de n'être pas seul à en supporter les désagréables conséquences. Tant qu'à pousser une charrette pour me ravitailler, j'aimerais autant ne pas croiser de monospaces sur mon chemin. Parce que là... ça pourrait me mettre copieusement de travers.

C'est, je crois, le sentiment que nous partageons tous, face à l'apocalypse annoncée de toutes parts. Avant d'abandonner nos chers moteurs à combustion interne, si performants, si légers, si simples, il faut que des pans entiers de notre société abandonnent leur frénésie polluante. L'exemple ainsi montré nous convaincra -peut-être- que brûler de l'essence procède de la dernière imbécillité.

Pour l'heure, tout nous enjoint à consommer, brûler, gaspiller et polluer. Faisons en sorte de ne pas être à contre-courant d'une exemplarité consensuelle, et montrons comme nous comprenons bien le message de politiques hypocrites et faibles.

Tant que nos 912 peuvent en digérer, remplissons nos outres de super carburant bon marché, et volons !

Cela durera peut-être... un temps... ou peut-être pas.

Bons vols, avec prudence.

Miguel Horville