Le 10 mars 2012 a été publié au Journal Officiel un texte relatif au bruit émis par les ULM (arrêté du 24 février - NOR : DEVA1203064A) abrogeant les arrêtés du 17 juin 1986 (art. 1Ab à 5Ab + annexe). Etant admis que les ULM sont généralement moins bruyants que les avions certifiés, il était en effet bougrement opportun de légiférer sur ce thème.

Une gesticulation administrative de plus direz-vous ? Cela y ressemble bien, oui. Un peu comme Gaston Lagaffe qui, entre deux conneries, remue assez de vent pour faire croire qu'il mérite un salaire.

Sauf qu'en la circonstance, il devient urgent de proposer des soins médicaux appropriés aux illuminés qui écrivent certains textes.

D'abord l'article premier du blabla dont au sujet qu'on cause. ''Les aéronefs ultralégers motorisés (ci-après dénommés ULM) sont exemptés de la possession d'un certificat de limitation de nuisances s'ils satisfont aux dispositions du présent arrêté''.

Ne cherchez pas d'erreur... Ce blabla introduit une notion de certificat qui n'existe pas en la circonstance, puisque les ULM sont des ULM et qu'ils satisfont forcément aux dispositions dudit arrêté car sinon ils ne seraient pas des ULM. Toi bien comprendre ?

Donc moyennant un raccourci osé de manière à simplifier, et si on avance dans la lecture du fameux arrêté, les ULM sont exemptés de certificat s'ils en possèdent un. C'est une logique qui nous dépasse, parce qu'elle émane de cerveaux... différents.

La suite est plus inquiétante, car nos chers technobidules s'approprient des sciences et technologies qui les dépassent. S'ensuit un embrouillamini déconnant dont la teneur est magique.

A commencer par la description du dispositif de mesure d'éloignement de l'aéronef, qui ressemble davantage à un poisson d'avril qu'à une méthode scientifique fiable (pareillement pour l'arrêté de 1986). En effet, photographier un avion passant à la verticale avec un appareil photo fixé sur pied est un divertissement qu'aucun photographe amateur ou professionnel n'a encore jamais tenté, d'abord parce que c'est idiot, et surtout parce que c'est quasi impossible.

Et oui, l'avion bouge et l'appareil est fixe. L'image est donc floue. C'est la base de la photographie. Nicéphore Niépce en a fait la démonstration il y a deux siècles.

Donc proposer cela démontre une méconnaissance totale des moyens énoncés pour la mise en application d'une procédure décrite.

En conséquence, l'opérateur est sensé prendre des mesures comparatives sur un cliché flou.

La suite n'est pas triste. Dans la description de la méthode, il n'est nulle part fait mention d'un choix de matériel, pas plus que de focale. Or, encore une chose que ne semblent pas savoir les génies du blabla flou, une photographie subit des distorsions d'image plus ou moins importantes selon la focale utilisée. De plus, la formule pseudo technique ne précise pas s'il s'agit de focale vraie ou de focale ''matériel'' (coeff. 1,4 selon le format du capteur). Il va sans dire qu'on parle de focale vraie, mais le législateur en général peu avare en blabla aurait pu le préciser.

Dès lors, un certificat à vocation administrative est basé sur une photo floue et déformée dont on fixe approximativement le cadre technique. Pourquoi le propos prend-il soudainement une allure absurde ?

Ce n'est pas tout. Au plan administratif, il n'est pas fait mention d'une homologation ou d'une norme pour l'appareil photo, alors que le sonomètre utilisé doit quant à lui répondre à une norme... Donc un risque d'erreur ou de tricherie subsiste, chose que l'administration dans sa sagesse tente par tout moyen d'éradiquer, en théorie.

Globalement, utiliser un appareil photo pour mesurer une distance, c'est à peu près aussi intelligent qu'utiliser une râpe à fromage pour peindre la Tour Eiffel ou un fusil de chasse pour pratiquer une anesthésie.

Alors que des matériels spécifiques existent. Le technocrate englué dans la complexité de ses réflexions boiteuses ne connait pas le télémètre (certes pas plus homologué que les appareils photographiques), mais sûrement plus fiable et précis que la procédure proposée. Sans parler des jumelles télémétriques homologuées (ou non) dont sont dotées les forces de l'ordre.

Pour ma part, j'ai abandonné de longue date la râpe à fromage pour peindre les assemblages du sieur Gustave... pas vous ?

La description de l'environnement de la procédure d'essai est tout aussi imaginative. J'entends par là qu'elle fait appel à l'imagination, notamment quant à la précision apportée sur la nature d'absorption du terrain... l'herbe dense (???) pouvant altérer la prise de son : mon dictionnaire ne définit pas précisément la densité d'une herbe. Pourtant mon dico connaît plein de mots, notamment pour signifier la stupidité.

Bref, il eût été aussi sérieux de mesurer l'émission sonore des ULM en observant le comportement des lapins à leur passage. S'ils lèvent la tête... c'est qu'ils n'ont rien d'autre à faire. Car eux ne sont pas des illuminés.

En conclusion, nous savions les technocrates inaptes à se mêler de politique. Visiblement, ils sont encore plus impropres à se mêler de technocratie.

Bons vols

Miguel Horville.