On devient n'importe qui !

J'avais un copain, son truc à lui, c'était de jongler avec tout ce qui lui passait sous la main (les mains). Des outils, des couverts, des cailloux... TOUT ! Il n'était pas professionnel du cirque, simplement cela lui plaisait et il amusait son entourage par son adresse (toute relative).

Puis un jour il a jonglé avec des chats... Pas du vieux greffier qui vous ravage la trogne dans un crachement, non, juste trois chatons d'une portée fraîchement pondue, pas encore sevrée.

Qu'arriva-t-il à l'un des chatons, d'après-vous ?

Bah, il est mort.

Zozo 1er a foiré son coup et l'un des bestiaux s'est rompu le cou en atterrissant brutalement sur le carrelage.

N'importe quoi direz-vous...

Absolument. Y'a des gens qui ne peuvent s'empêcher de faire n'importe quoi. Peut-être pensent-ils ainsi devenir n'importe qui... va savoir, sur un malentendu ?

Bon, y'a donc des débilos qui butent des minets pour faire marrer les potes, et d'autres qui font vœux d'une célébrité éphémère en se scratchant une godasse volante au travers de la tronche.

Ainsi, samedi 28 septembre dernier, un sexagénaire a été violemment percuté par un paramoteur en phase de décollage alors qu'il s'était positionné sur sa trajectoire pour filmer la scène. Gravement blessé avec plusieurs fractures, il a été hospitalisé. Le pilote du paramoteur est choqué, mais indemne.

Si vos photos ne sont pas assez bonnes, c'est que vous n'êtes pas assez près (Robert Capa).

Là, ça va... c'était assez près ?

Perso, je m'étonne que ce photographe talentueux n'ait pas tenté le coup avec un TGV... Putain de cliché au moment du splatch !

Client suivant.
Une connaissance de club voulait faire plaisir à son baptême en tournoyant autour de sa maison afin que la famille profite pleinement du spectacle en cinémascope...

Vous connaissez la fin. Pompiers, handicap, procès...

Et celui-là encore.
Un jeune pilote à peine débourré quittait son club aux manettes de son bel ULM afin de poursuivre sa passion aéronautique dans une autre région... Passage bas rapide pour coucou, mais... m'a-t-on bien vu ? Alors second passage dans l'autre sens... Oups, le hangar ! Oups les ULM stationnés ! Oups j'suis mort !

Le plus horrible. Le plus prévisible. Le plus attendu.
Un jeune pilote s'achète une balle traçante. Poussé vers la sortie de son ancien club pour comportements borderlines, il trouve un autre club qui l'accueille pour terminer sa formation emport de viande.

Adroit comme toute jeune personne, il ne s'épargne toutefois pas un ''ventre'', because les roues fonctionnent mieux quand on pense à les sortir. Pas grave, le zinzin est réparé et arrive la journée portes ouvertes du club.

Les ''visiteurs'' (ne disons pas clients, ça va barder là-haut) sont nombreux et il manque des pilotes pour mener tout ce gentil monde au paradis.

Qu'à cela ne tienne, on tamponne le papier au jeune écervelé pour qu'il participe activement à la fiesta. Après tout, il est un peu dingo, mais sacrément bon pilote.

Bon, oui, mais pas vieux...

Autre particularité du gamin, il ne boucle pas toujours sa ceinture. Son ancien instructeur le confirme. La chose prend toute son importance quand on possède un ULM rapide et bien nerveux du manche.

Alors qu'il part avec son baptême, sans doute donne-t-il les commandes à ce dernier, lequel tire peut-être un peu fort. Notre Icare en devenir repousse vigoureusement la commande vers l'avant, ce qui a pour conséquence de l'éjecter hors de son siège, puis de traverser la verrière, puis de quitter le cockpit en direction du cosmos...

Bien. Son sort est scellé, mais là n'est pas l'horreur.

Imaginez le baptisé seul dans un avion en furie, verrière brisée dans un vacarme épouvantable soumis à une tempête fulgurante, avec plein de boutons et de leviers auxquels il ne comprend rien...

Imaginez la longue descente vers la mort inéluctable, seul, sans savoir qu'un poignée magique lui sauverait la vie s'il avait été informé de sa présence...

Les témoins au sol ont vu l'aéronef percuter la montagne non loin, puis la fumée, puis rien.

On ne sort pas indemne d'une telle expérience.

Après, des bien pensants, souriants et dégoulinants d'une compassion à peine surjouée, nous parlent de faire société ensemble, de partage et de générosité...

D'où je fais société avec des branques, moi ?

Quel intérêt ai-je à entrevoir ne serait-ce qu'une infime particule de clémence à l'endroit de pareils timbrés, paix à leur âme.

J'ai beau chercher, je cherche, je cherche... Rien.
Je ne partage rien avec eux. Je ne suis pas de leur monde et ne veux rien avoir affaire avec.

Comme tout humain, j'aurai une fin. Mais je n'offrirai à personne la jouissance de me voir être ridicule dans la méthode. Ce sera par accident, par vieillesse ou maladie, peut-être par maladresse, mais surtout pas par connerie.

ET surtout, surtout... Je ne serai jamais une énième raison pour que les suivants se voient restreindre leur liberté.

Parce que je veux rester qui je suis...
Parce que je ne veux pas devenir n'importe qui...
Je m'abstiens de faire n'importe quoi !

Bons vols, de préférence loin des choses qui foncent sur vous.

Miguel Horville