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Expériences vécues

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Premier décollage par J. Foucher


Trajectoire de pilote




Il tire à gauche !

Le moteur tousse et s'élance avec un filet de gaz. Aussitôt il faut mettre plein ralenti car les freins, ou plutôt LE frein, n'est en fait qu'un ralentisseur installé sur la petite roue avant. Impensable que ce dispositif retienne l'ULM ! Gilbert m'enjoint de rouler. A petits coups de gaz, je circule le long des voies en écoutant attentivement les indications du ''guide''. Facile...

L'entoilage de l'aile résonne au rythme de l'hélice. Le pot d'échappement n'est pas très efficace. Tout ceci paraît bien sommaire, mais... JE PILOTE UN AVION ! La piste de Chambley est en fait une voie d'accès au hangar qui date de la guerre froide ; on l'appelle ''le grand hangar''. Ce monstre de métal un peu rouillé possède deux gigantesques portes pesant au moins trois tonnes chacune. Elles roulent sur des rails, à condition qu'on les pousse... à la main ! Les membres du club sont installés contre ce hangar, au soleil, parce que la première prestation d'un nouveau est passionnante à voir ! Ils vont en avoir pour leur attente ! Finalement, Gilbert juge sans doute que je coordonne bien ma commande de direction, alors, il me conseille pour un alignement en bout de piste, 400 mètres de plaques de béton par 12 m de large, c'est plus qu'il n'en faut pour décoller avec cette machine. L'herbe est tondue de frais de chaque côté du béton, sur au moins 8 mètres de largeur.

Alignés sur la ligne de peinture vieillissante, nous sommes prêts au départ. Gilbert me donne l'ordre de mettre plein gaz et c'est parti... Doucement d'abord, dans le bourdonnement du Volkswagen derrière moi. Puis la moto du Ciel prend de la vitesse. Elle tire un peu à gauche, alors je corrige légèrement. Elle tire davantage, ce qui m'oblige a accentuer mon appui. Le moteur pousse de plus en plus. La vitesse augmente, mais le bord de la piste se rapproche. Puis nous roulons dans l'herbe ! J'entends Gilbert dans les écouteurs qui m'ordonne sèchement de mettre du pied à droite. Mais... j'arrête pas ! Et j'enfonce davantage mon pied gauche sur le palonnier approprié... TOUT A GAUCHE ! Cette fois, tout va très vite, je suis au dessus du gazon, tout près du hangar ! Mes jambes sont crispées à bloc et tout mon corps se raidit ! Bloquant par là même la commande de direction ! Gilbert m'ordonne de libérer les palonniers : ''Retire tes pieds ! Vite !'' Et nous voilà en l'air, au dessus de l'herbe à 60 cm du sol, moteur plein pot en virage à gauche, survolant l'espace en herbe, entre le hangar et la piste...Waouh ! Ce n'est pas passé loin du hangar... J'entends une sorte de grognement réprobateur dans les écouteurs, suivi par un bruit de respiration, et ces quelques mots ''mais au sol ça allait !''


Mon ami Christian aux commandes de la Moto du Ciel.


Honte sur moi... mais quel bonheur !

Mais qu'est ce que j'ai fait ? J'ai corrigé à l'envers ! Ah bon sang, j'ai corrigé à l'envers ! Honte à moi ! Honte sur moi ! En aviation, il ne faut pas imaginer la mécanique, ce que j'ai fait, si vous tendez la jambe droite, vous allez à droite, et si vous tendez la jambe gauche, vous allez à gauche, c'est tout ! Si vous tendez les deux comme le stress m'a poussé à le faire, l'instructeur est dans l'incapacité de rectifier. Il a dû penser : ''avec la fille ça ira, mais avec le père, on va s'amuser !'' Gilbert s'occupe de stabiliser l'altitude et m'entraîne dans une découverte du ciel et des sensations. Nous survolons le vide grenier du village voisin et les minuscules marionnettes massées dans la rue principale. L'exercice en vol consiste à regarder le vide de chaque côté, 1000 ft en dessous. Je vous rappelle que la Moto du Ciel ressemble à une chaise en plastique suspendue sur une balançoire de jardin. Il n'y a rien d'autre que le harnais de sécurité pour maintenir les occupants à bord. Une moto sans guidon qui roule 300 mètres au dessus du bitume ! L'atterrissage et le retour au club ne me laissent aucun souvenir. Gilbert me demande si j'aperçois la ''base à gauche''. Je réponds que non. Il est tellement aisé de perdre ses repères en vol... Et pourtant la ''grande piste'' (la vraie piste) se voit de loin, de même que l'ancienne tour de contrôle. Encore faut-il savoir où regarder ! Je me sens encore tout coupable d'avoir corrigé à l'envers lors du décollage. Honte sur moi !

Mon erreur ne se reproduira plus, car toute la semaine suivante, je m'entraine dans ma voiture à mettre du pied à droite ou à gauche dans les virages ! Aurélie est donc meilleure pilote que moi ! Elle le prouve tout au long de sa formation. Quand à Gilbert, le briefing d'avant vol n'est pas son fort ; on apprend après le décollage ce qu'il attend de la présente séance. Le débriefing est inexistant. En fait, quand il ne dit rien, c'est que c'est bien. Et quand c'est mal, il me donne une petite tape sur le casque en me disant : ''tu sais quelle connerie tu viens de faire ?'' Si tu sais pas, c'est pas bien du tout, et de retour au club-house, il a le regard sévère. Et ainsi, de manière graduelle et mesurée, Gilbert m'amène à l'art du pilotage et au ''lâché''. Je lui en serais éternellement reconnaissant.


Jacques Foucher ; pilote ULM, désormais expérimenté, a déjà de très beaux vols à son palmarès.



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