Coup de gueule octobre 2018
Dans la jungle des territoires
L'avez-vous remarqué... Depuis quelques temps, la nouvelle mode sémantique des politiciens, des animateurs d'émissions d'intoxication informative et autres cruches médiatiques, est l'emploi du terme ''territoire'' pour mentionner tout ce qui ne figure pas dans la limite des boulevards circulaires.
Bon... nous savons tous que l'illettrisme gagne du terrain, visiblement ''là-haut'' comme ailleurs. Alors une connerie de plus ou de moins ne change pas grand chose à l'inaudibilité des seigneurs du donjon.
Toutefois, plus j'entends le mot ''territoire'', plus je perçois qu'il s'associe moins aux provinces qu'à la ruralité ou la plèbe ; bref aux pécores crétins par delà les périphériques des mégapoles qui comptent.
Or, si le terme ''territoire'' est polysémique, renvoyant à des significations variées qui dépendent de l'angle d'approche, il illustre dans tous les cas un concept impliquant l'existence de frontières ou de limites qui en forment le périmètre. C'est vrai pour la culture, la population, la géographie, l'administration... Ainsi parle-t-on avec raison des territoires d'outre-mer, du territoire de Belfort, de territoires occupés (sous-entendu sous administration ou tutelle d'un état...).
Seul un sot peut qualifier de ''territoire'' un département, une région ou l'ensemble des provinces. Cela ne signifie rien. D'autant que les mots existent déjà : département, région, province.
Bah oui, mais quand on est un trou de cul de ''la-haut'', ces mots ne suffisent pas. Ajouter un vocable initié est tellement plus smart, même si on n'en connaît pas le sens. De toute manière, les connards à qui on le destine n'entravent rien à rien, alors autant patauger dans l'approximatif et le bizarre... entre initiés approximatifs et bizarres.
Pour illustrer l'idée sous-jacente du propos : dans la capitale sont les gens importants ; dans les très grandes villes sont quelques personnalités ; les territoires forment un désert où une fange disgracieuse subsiste grâce aux miettes généreuses qu'on saupoudre distraitement.
Voilà à peu près la photographie d'un pays qui traite ses provinces de territoires. Bonjour le respect et la bienveillance des photographes !
Et les p'tites mains, ces journaleux de terrain qui tentent de percer dans des antennes locales aux moyens techniques néantisés par l'avènement de saint-aïephone, aussi méritants qu'ils soient, répètent en boucle la connerie du moment, certains qu'ainsi abêtis ils seront reconnus de leurs pairs.
Bien sûr ce qui vaut pour ''territoire'' vaut pour ''quartier'', terme aussi sottement galvaudé par des ignares sans bulbe... Car entre des territoires qui s'insurgent et des quartiers qui s'enflamment, les JT dressent une mosaïque particulièrement néocolonialiste de l'hexagone, avec au centre le château qui boursicote et autour les gueux qui s'agitent.
Alors pour tous ces cons qui ne connaissent pas le sens des mots qu'ils emploient, je rappelle qu'un pays est à l'instar de son peuple : un et indivisible. Discriminer ses habitants de quelque manière que ce soit, c'est miner la cohésion d'ensemble. La stratification horizontale occasionnée par la seule substitution maladroite de mots est de nature à révolter les classes défavorisées. Celles-là même qui ont raccourci l'élite deux siècles en amont.
Il serait bon de méditer, simplets suffisants, au sens des mots et à l'importance de clore sa mouille quand l'absence de pensée l'assèche...
Il serait également bon, cabots ridicules, de poser séant sur les bancs de l'école et d'écouter la maîtresse faire leçon. Troquer l'ENA contre la MNA (maternelle nationale d'administration) serait à ce propos un préalable potentiellement favorable pour apprendre la sémantique de base et ainsi ne plus passer pour des guignols méprisants.
Do you understand what I say, little kings ?
Miguel Horville
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