Le ciel, certes, mais la mer aussi d'ailleurs... Et pas que. La terre, la Terre, et les terreurs qu'elles nous inspirent. Car ces éléments, ces endroits, ont un point commun : ils sont sous surveillance. Du moins à en croire une armée de consciences éveillées.

Ces derniers temps, je croise une nouvelle population pleine d'intérêt pour sa descendance (ou la mienne si elle n'en a point produit). Une foule de gens aux idées généreuses, qui veut participer au grand éveil des masses ; trouver la particule tueuse ou l'hydre des tréfonds.

Ces derniers temps, je rencontre également beaucoup de gens lassés de leur vie routinière, qui veulent tout quitter pour voir d'autres horizons. Des hommes et des femmes à l'existence aisée qui se prendraient bien un p'tit congé sabbatique...

Ces derniers temps je m'étonne du nombre de gens qui montent des expéditions plus ou moins lointaines, dans le but de récolter des informations, des données, de l'argent !

Et ces derniers temps, je m'aperçois que je rencontre toujours les mêmes personnes ! Qui trouvent que la planète est en péril ; qui souhaitent prendre des vacances ; qui montent des expéditions...

Je découvre que se multiplient des scientifiques, pseudo ou proclamés tels, qui partent en ULM, soi-disant pour la recherche... trouver une molécule ici ; aider des populations là ; trouver des fonds surtout...

Blablabla !

Comme ce pauvre diable d'anglais, voulant financer l'association Help for heroes en réalisant un tour du monde en pendulaire, qui n'a finalement trouvé que la mort, à quelques kilomètres des côtes de son pays, à cause du mauvais temps...

Comme ce chercheur et remarquable pilote slovène qui traque le carbone en émaillant son périple d'aventures épiques et de prouesses audacieuses...

Comme ce couple qui donne ses ailes pour la science, observe, relève, analyse...

Comme ces scrutateurs aériens qui traquent l'ultime cliché...

Des nobles causes, on peut en trouver des pleines brouettes ! Alors quand on est un tantinet cynique, on réalise qu'une idée pas trop molle et bien vendue peut financer un audacieux projet de vacances.

Il semblerait même que cela devienne le nouveau sport à la mode. Le truc des désinvoltes branchés.

J'ai même idée qu'on peut trouver une cause par habitant de la planète, ce qui résoudrait à terme l'équation : je m'emmerde, alors j'emmerde les autres !

D'ailleurs...

La dernière idée d'expédition, de voyage d'étude, d'ONG (rayez les mentions inutiles ou rayez-les toutes !) est dans les tuyaux... Elle s'apparente à une balade sur le continent africain, avec pour ''mission'' de déposer des médocs aux populations en difficulté, partout où c'est possible, c'est à dire sur la quasi entièreté de l'Afrique Australe, l'Afrique Centrale, celle de l'Ouest, du Nord, du Sud...

Ambitieuse entreprise, mais dites-donc... N'y aurait-il pas comme un léger parfum de foutage de gueule ? Déposer 30 à 50 kilos de pilules roses aux confins du monde, c'est gentil ; mais ce sont des camions de 25 tonnes qui assurent ces livraisons humanitaires. Pas des mobylettes !

Que toutes les bonnes volontés soient bénies, certes ; mais que chaque charitable initiative ne se transforme pas en foire à la connerie ou pire, en escroquerie ! Car on parle ici de lever des fonds. Et pas qu'un peu ; 20 000 euros initialement, puis 35 000... pour couvrir les frais de fonctionnement !

Bah mon couillon ! Vl'à du fonctionnement façon écurie de Formule 1 ! Il carbure à quoi l'ULM du pilothrope ? A moins que l'acquisition du zinzin ne soit comptée en frais.

Personnellement, je trouve très choquant qu'on utilise les misères nombreuses pour se payer un trip à la Running Wild, dans la peau d'un Mike Horn en costard d'Abbé Pierre.

Mais il est vrai que le fric des autres est tellement plus commode pour s'éclater...

On dit des proies qu'elles ont le sort que la nature leur réserve ; l'herbivore se fait bouffer par le carnivore, l'insecte par l'oiseau... le donateur par le beau parleur. Tout cela est dans l'ordre des choses.

Il faudrait toutefois que la misère et l'écologie ne soient plus les seuls prétextes aux envies d'évasion. Parce qu'un moment viendra où on dira STOP ! Et pour le coup, les vraies, bonnes et justes causes seront privées de moyens. L'histoire des bons qui payent pour les mauvais, de Pierre et du loup...

Si l'audace, le sport ou l'innovation justifiaient de monter une expédition, un parfum d'authenticité envelopperait agréablement leur auteur. L'aventure n'en serait que plus passionnante.

Parce qu'aujourd'hui, quand un gars annonce son prochain tour du monde en ULM au service d'une noble cause, je soupire : ''un de plus ; un énième !''

Comme dit Gilou, philosophe-diéséliste : la charité commence par - et s'arrête à - soi-même.

Bons vols, avec prudence.

Miguel Horville