Arrêté VLO : pourquoi il ne sert à rien (part. 1)
Le nouvel arrêté daté du 17 février 2025 concernant les conditions d'utilisation des ULM fait le point sur la réglementation en vigueur et s'attarde tout particulièrement sur le cas des vols locaux à titre onéreux (VLO) et des vols de découverte (VLD) à caractère marginal.
Pour faire simple, nommons ce nouveau texte l'arrêté VLO.
Pour faire court, très court, les organismes à but lucratif sont désormais soumis à une tétrachiée d'obligations, ainsi que les pilotes impliqués. Parallèlement, les clubs subissent à peu près le même sort.
Mais pourquoi, demanderont les plus naïfs ?
Bah, oui, au fait. Pourquoi notre autorité, si tant tellement attentionnée, plombe-t-elle l'activité des gentils professionnels du baptême ?
Pourquoi engluer les ailes de ceux qui offrent de la joie aux touristes en tutoyant les nuages ?
Y'a pas à chercher bien loin les exemples. Même pas besoin d'aller à La Réunion.
Prenons l'histoire d'un cuisto qui confond crêpière et barre de contrôle.
Nous sommes en octobre 2023.
Le quasi sexagénaire emporte donc une passagère dans un pendulaire de location pour un baptême de l'air en Côte-d'Or. Après un décollage tranquille, dans des conditions atmosphériques propices au plaisir, il commence à délirer, enchaînant rase-mottes et montée à forte incidence.
L'ULM en perte de contrôle passe sur le dos, le pilote (109 kg) mal attaché est éjecté, sans doute déjà mort par écrasement de la poitrine sous la violence d'un tumbling.
L'aile du zinzin se déglingue ; le zinzin se déglingue itou et chute lourdement d'une hauteur initiale de 800 m.
Chose incroyable, la passagère survit à l'enfer. Dans un état de pronostic engagé, mais vit.
Elle se remettra même de ses blessures, et témoignera de l'enchaînement des circonstances du crash.
Un film de vidéaste amateur a permis aux enquêteurs de consolider leurs analyses.
La presse ne retient que le nom du cuisto, personnage connu dans sa région.
La pauvre nana n'a qu'à retourner en boitant dans l'anonymat qu'elle n'aurait jamais dû quitter.
Le rapport du BEA donne des précisions techniques intéressantes, mais qui restent des détails sans influence sur ce crash INEVITABLE, quelles que soient les mesures préalables qui auraient pu être mises en place pour tenter de l'empêcher.
Car outre la tragédie personnelle subie par la passagère innocente, aucune mesure administrative, aucun avertissement, rien ne peut endiguer l'irrésistible nécessité de faire une connerie au moment où son auteur la commet.
Je sais que ça risque de mal se mettre, mais je le fais quand même...
Mon dernier gros bobo est consécutif à ce phénomène ; j'introduis la grosse clé Allen dans le moyeu de la roue, je sens qu'elle n'est pas bien engagée, je me dis que ça va peut-être le faire et CRAC !
La clé ripe et l'os de mon index prend un bain de soleil.
On n'y peut rien.
L'arrêté de février 2025 n'y aurait rien changé et n'y changera rien. On ne transforme pas la nature humaine en tamponnant des documents, comme on ne fait pas un cheval de course avec un âne.
Une fois accomplies toutes les démarches administratives, le pilote redeviendra lui-même, avec son expérience, ses qualités de pilote, son sérieux et ses instants de folie.
Le seul arrêté qui pourrait sauver des vies innocentes (j'entends par là "naïfs pensant que le vol est 100% exempt de danger"), serait un arrêté d'interdiction totale des baptêmes et autres vols de découverte.
Texte pouvant s'assortir d'un arrêté interdisant aux vivants de vivre, afin de réduire drastiquement le risque de mourir.
Je ne fais pas mystère de ma position sur l'activité de baptême en ULM ; elle devrait être limitée à une part congrue, préférant le vol de découverte opéré dans un cadre non lucratif.
Non lucratif, c'est déjà la certitude que les vols ne s'enchaînent pas en abattage, et que la météo reprend la part qui lui est due dans la décision de les entreprendre.
Vol de découverte pour stopper l'hypocrisie. J'ai personnellement décidé d'apprendre à piloter suite à un vol de découverte ''positif''. L'expérience était sincère : je souhaitais découvrir l'activité et n'avais aucun a priori.
Suite à ce vol (appelons-le découverte ou baptême, le vocable importe peu), je me suis inscrit au club puis j'ai entamé ma formation.
Ce qui devrait être le parcours ''normal'', loin des VLO-transport, des VLD-tourisme...
Je rappelle qu'un taxi terrestre passe une conformité annuelle pour transporter des gens à 5 km/h dans les embouteillages urbains, pendant que des ULM jamais contrôlés vadrouillent à 200 km/h entre les nuages... Y'a pas comme un truc qui cloche ?
Il semblerait logique qu'on laisse le soin de transporter des passagers aux seuls avions certifiés, et l'activité d'un loisir déréglementé (ou peu) aux ULM.
Mais puisque notre fédération, sous l'égide de la précédente mandature, a jugé bon de poursuivre le ''toujours plus opportuniste'' poussé par les constructeurs, nous devons assumer l'arrêté VLO et son cortège d'obligations.
Pour ma part, la partie de rigolade est terminée. Face à un système qui marche sur la tête, je ne prends plus de passagers autres qu'un frangin (pilote), une maman bien vieille ou une épouse bien insouciante.
Plus léger, l'ULM n'en vole que mieux.
Bons vols, en solo ou à deux...
Miguel Horville
lire et télécharger l'arrêté du 17 février 2025
lire et télécharger le rapport du BEA - accident de Vignoles