Ce mois-ci, j'ouvre une boîte de Pandore... ô certes pas pour me faire de nouveaux ennemis ; mes mauvais amis me suffisent. Non, non... J'en ai simplement marre d'être le témoin silencieux d'une dérive qui va tôt ou tard nous conduire dans le mur.

Je pense aux brevets de complaisance et à l'instruction au rabais. Qu'on s'entende : une immense majorité d'instructeurs est sérieuse et responsable. Mais qui dit majorité, même immense, dit minorité... ou frange.

Je vise en premier lieu les instructeurs ''intéressés'' ; revendeurs, importateurs ou constructeurs qui ''vendent'' l'ULM avec le brevet. Il va de soi que l'intéressement du formateur à la réussite de son élève est en totale opposition avec une formation de qualité. Pire, il se peut (et cela se rencontre), qu'un élève-pilote ''inlâchable'' réussisse finalement à décrocher son brevet, seule condition à la réalisation de la transaction.

Nous savons tous que cette pratique existe et qu'elle n'est pas rare. Et si ces instructeurs peuvent dormir avec le sentiment du devoir accompli, grand bien leur fasse.

Je vise en second lieu les instructeurs incompétents. Cela peut concerner la technique de pilotage, mais c'est plus souvent la pédagogie qui est en cause. En effet, transmettre un vaste ensemble de connaissances n'est pas à la portée du premier venu. Or visiblement ce chapitre s'assortit d'un désintérêt flagrant pour certains, y compris formateurs IULM.

Et puis il y a les autres... les bêtes curieuses qui ont autant à faire dans un aéronef que votre serviteur dans le confessionnal de la chapelle Sainte Radegonde du Poitou. En clair des pilotes du dimanche qui se sont entichés de la vocation d'instructeur sans don, sans adresse, ni talent pour les choses de l'air. A la manière administrative, où il suffit de passer un concours pour devenir un éminent spécialiste.

Durant mes essais, il est fréquent que je vole (pour les besoins techniques, photo, vidéo...) accompagné de phénomènes de la sorte.

J'ai rencontré un instructeur pour qui la bille est un accessoire agaçant, qui ne parvient pas à se figer ! J'ai eu l'effroi de croiser celui qui confond Vc et Vne ! J'ai connu l'angoisse d'une Vs0 gérée aux ailerons (sur un ULM particulièrement pointu) ! J'ai flippé de concert avec un instructeur incapable de libérer les commandes en vol de croisière ! J'ai ri d'annonces radio fantaisistes ; prié pour mon salut ; recommandé mon âme au diable...

Bref, en de nombreuses occasions, j'ai côtoyé les pires pilotes du dimanche, proclamés instructeurs. De braves gars au demeurant, mais pas faits pour enseigner le maniement du manche (je parle volontairement du manche, car il semblerait qu'il en soit autrement pour le trapèze ou les suspentes ; à vérifier).

Alors quelles peuvent être les motivations de ces (rares, je le précise) instructeurs incompétents ? Retenons la gratuité des vols, l'occupation de temps libre, le branlage d'égo... pour les plus inavouables des raisons.

Mais celles que je redoute le plus, vecteurs de drames, sont sans doute les bonnes intentions ; quand on devient instructeur pour contribuer à la vie du club, pour aider... Car si la sincérité des mauvais instructeurs est entière, alors notre activité est réellement en péril.

Pour paraphraser mon ami et artiste Gilou, ''ombres et démons se dissimulent parfois derrière de bonnes intentions''. Il a dit ça, et je le pense.

Bons vols

Miguel Horville.