Dimanche 5 janvier dernier, Daniel Luypaerts se tuait aux commandes de son autogire, devant les yeux de son épouse et de membres de son club. Qu'il ait été audacieux au-delà du raisonnable est possible. Mais ce ne sont pas les causes de l'accident qui m'importent. C'est principalement le lieu géographique de l'accident qui pose problème. Le crash a eu lieu dans un champ non loin de l'aérodrome ULM de Liernu (Eghezée), en Belgique.

Or en Belgique, l'autogire n'est pas reconnu par l'administration de tutelle - DGTA (direction générale du transport aérien).

On explique ce phénomène par la ''dangerosité'' du concept autogire, du moins à ses balbutiements. En effet, les premiers modèles donnaient dans le casse-gueule et les statistiques ne plaidaient pas en leur faveur. Mais peut-on rester sur une position bloquée, alors que la technologie évolue ? Aujourd'hui les autogires sont sûrs. Pilotés convenablement, ''en bon père de famille'', ils ne provoquent pas plus d'accidents que d'autres aéronefs.

Mais en Belgique, aucun règlement n'autorise le vol des autogires. Mieux encore, aucun autogire (même non belge) n'est théoriquement autorisé à survoler la Belgique.

Ceci en dépit d'un amendement du Conseil d'Etat du 11 octobre 2012 annulant le refus d'autorisation du survol en autogire, au motif que cette décision ne repose sur aucun fondement, précisant littéralement que ''ni dans la décision contestée, ni dans le dossier administratif n'est indiqué pourquoi un autogire ne serait pas autorisé'' ; le Conseil ajoutant ''qu'il existe un grande incertitude sur les règles applicables en Belgique, que ni la loi du 27 juin 1937, ni l'AR du 16 mars 2009 ne sont clairs''.

Ce qui ne résout pas le problème des pilotes d'autogire, qui se trouvent face à un mur. Ce n'est pas un vide juridique, comme on l'entend ici et là : il y a bien un règlement, qui n'interdit pas, mais qui n'autorise pas. L'autogire n'existe pas, pas plus pour la DGTA que pour le Conseil d'Etat dont les conclusions donnent tort à l'administration, sans établir de droit pour la classe concernée.

Il va sans dire que la fédération ULM belge - BULMF (www.bulmf.be) avale difficilement cela. On en arrive donc à des situations à la fois grotesques, inconfortables et toujours risquées. Ainsi certains pilotes d'autogires pratiquent en toute illégalité. D'autres tentent une feinte stérile en déclarant leur autogire basé en France (ou ailleurs) et l'immatriculent de la sorte. Ce qui ne change et ne résout rien, puisque les autogires n'ont pas d'existence légale, rappelons-le. Quand bien même ils seraient immatriculés sur Mars ou Vénus, ils n'auraient rien à faire en Belgique.

Une nuance d'une importance cruciale en cas d'accident ''coûteux'' (blessures ou dommages à des tiers...). Là, les assurances seraient tentées de la jouer ''very surprise'' et de se retirer du débat. Dans le cas du pauvre Daniel Luypaerts, l'accident a peu coûté à la collectivité (secours...) et n'a pas concerné de tiers. Sa famille s'en tire donc avec sa peine et sa souffrance. Mais qu'en aurait-il été si un passager avait péri ou était gravement blessé ? Si des tiers au sol avaient été touchés ? Si une infrastructure avait été endommagée ?

Paul Windey, président de la BULMF, a rencontré le conseiller du ministre des transports belges le 24 janvier dernier. A la suite de cette entrevue, un arrêté ministériel a été préparé, qui donnera la possibilité - dans une première phase - de demander une autorisation de survol du territoire belge de 30 jours, sous le même régime que les ULM ''étrangers'' (y compris paiement d'une taxe de 94 euros). L'arrêté sera publié dans quelques semaines. La fédération belge discute encore avec l'administration des conditions concrètes.

Bon... voilà un dossier qui avance, penserez-vous. Pour ma part je ne vois que le volet assurance. Je le rappelle souvent ; les assureurs sont nos amis tant que tout se passe bien. Quand survient un sinistre, ils étudient le contexte dans son ensemble, sans oublier de vérifier que toutes les conditions sont réunies pour les prises en charge. Les détails sont parfois ignorés... mais voler dans un pays qui ne reconnaît pas un type d'appareil, c'est à dire voler en sauvage, en ovni, cela risque de ne pas passer.

Bruxelles, qui nous bassine d'unité, d'indivision, de réceptions communautaires sous façade d'hypocrites et interminables poignées de mains, a encore beaucoup à faire pour nous convaincre qu'il est possible de vivre ensemble en Europe. Dommage, car s'il y a bien deux pays très proches, ''frères'', ce sont bien la Belgique et la France.

Donc en attendant que les autogires soient vus de l'administration belge, autant éviter de polluer le ciel Outre-Quiévrain.

Miguel Horville