Mais pas par conviction ou par confiance. Car le parachute : je n'y crois pas. Ou du moins, ça ne me plaît pas. De la même manière qu'on m'oblige à me saucissonner dans mon automobile, alors que je suis censé être doué d'intelligence et de libre arbitre, le fait de me poser un champignon sur la tête pour m'éviter de mourir m'agace. Si je suis doué d'intelligence, je n'irai pas me placer de manière à me mettre en danger, ni seul, ni avec un passager. Si j'ai le libre arbitre, j'ai aussi celui de prendre des risques, tant que cela me concerne seul, ou que la personne qui partage le risque, en est consciente et informée. Je me permets ces provocations car il ne s'agit pas d'un danger caractérisé et imminent, mais simplement d'un danger potentiel appartenant au domaine des statistiques. Or justement, les statistiques, parlons-en. à ce jour en, je n'ai aucune expérience du parachute. Heureusement pour moi direz-vous. Heureusement, oui. Alors la seule information qui me permet de me forger une opinion est du ressort de l'expérience des autres. Je fais donc mon travail et je traque l'expérience. À ce jour j'ai déniché trois vidéos sur Internet, un témoignage direct, celui d'un ami dont je ne saurais mettre la parole en doute et un compte-rendu d'accident.



La première largement publiée notamment sur le site de la fédération montre l'interminable chute d'un Dynaero MCR ULC suite à des essais de sorties de vrille dans des conditions de centrage et de réglages altérés. Le pilote Paul Prudent a dû déployer le parachute et a terminé indemne dans les arbres, la machine n'ayant que peu souffert de ''l'arberrissage''. La seconde, tout aussi connue et consultable sur le même site, est l'oeuvre d'un pilote imprudent qui a trouvé le moyen de se prendre dans le câble de remorquage d'un planeur à Gap-Tallard. Effectivement, l'appareil est descendu au sol sans encombre et le pilote s'en est sorti sans bobo. On ne dit pas la frayeur qu'a ressenti le vélivole, le choc pour le remorqueur... Non ; on se réjouit de la survivance d'une andouille. Le troisième film (www.koreus.com/video/ulm-parachute.html) serait digne de vidéo-gag s'il n'était aussi dramatique en terme d'image : un pendulaire s'élance pour décoller ; son parachute s'ouvre inopinément ; le pendulaire est brusquement soulevé jusqu'à une vingtaine de mètres, s'arrête net et retombe lourdement. Je ne connais pas la suite, ni l'état du pilote après la chute.



Celui d'un ami (consultable dans la rubrique ''dossiers''). Il vole au-dessus d'une couche éparse, sans risque particulier. D'un coup son moteur merdoie ; il doit traverser un cumulus pour retourner au sol. Dans le nuage il sent la machine lui échapper ; il tire sur la poignée et... rien ! Il a dû apprendre à sortir de vrille tout seul, sans manuel et sans démonstrateur, puis calmer son rythme cardiaque avant de se poser le plus naturellement du monde avec une bombe amorcée dans le coffre et pas moyen de savoir quand elle va éclater !



Le compte-rendu d'accident est dramatique car il parle de la mort de deux pilotes parfaitement innocents de leur fin. C'est la fameuse collision entre un Mirage 2000 et un Skyranger, en août 2004 à Clermont-Ferrand. Fatalitas était de sortie. Pas d'erreur, pas d'inconscience, le pur accident sans autre cause qu'un goulet d'étranglement où s'accumulent de nombreux trafics. Pour ces deux ulmistes, le parachute embarqué n'a été d'aucun secours. Ils étaient sans doute sonnés ou tués lors du choc initial.

Des exemples, il y en a sans doute beaucoup. Moi, je ne parle que de ce que je connais. Or dans les cinq cas cités (donc les seuls à ma connaissance), les statistiques parlent haut et fort : un départ en vrille volontaire, deux tentatives de suicide, une défaillance du dispositif et un ''véritable'' accident. Rien qui ne valide l'emport d'un parachute. Confiez ces données à un parlementaire ayant quelques notions de statistiques, il va vous pondre dans la minute une loi pour interdire le parachute sur les aéronefs ! Par ailleurs, il interdira les ULM et mettra en prison les pilotes d'essai. Voilà les conséquences que m'inspirent ces exemples.

Ajoutons à cela une phobie personnelle. Faisant pas mal de baptêmes pour les potes, les voisins, la famille, j'imagine avec horreur qu'un passager tire sur la poignée par mégarde, par peur... ou tout autre raison. Mettre la poignée à gauche ? Idiot ! Elle doit servir au passager en cas de malaise du pilote. J'arrive pas à trouver de solution.

Vous l'avez compris, je ne suis pas un chaud partisan de ce truc. Et pourtant... Pourtant je vais m'équiper d'un parachute. Je vais casser la tirelire et faire monter ce machin lourd et moche qui encombre le coffre à bagages et me fait tant horreur. Je vais faire ça par amour, et par respect. Ma passagère habituelle n'entend rien au pilotage. De plus, elle ne veut pas apprendre. Je ne lui en veux pas ; elle accepte avec tant de gentillesse de partager ma passion égoïste, que je serais bien en peine de lui reprocher quoi que ce soit. Elle ne sait pas piloter, mais elle est pas gourde. Si je lui apprends à tirer sur une manette en cas de pépin, elle saura faire. Alors pour elle, par amour, et par respect pour les gens qui partagent l'habitacle, je vais monter le pébroque. C'est la moindre chose que je puisse faire, simplement parce que j'avance en âge et qu'un petit malaise, même anodin, n'est pas impossible. Et puis en cas de malheur, du haut de mon petit nuage (ou du fond de la marmite), je pourrai toujours me consoler en disant que j'ai fait tout mon possible pour l'autre...

Bons vols, avec prudence.

Miguel Horville