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Expériences vécues

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Les mauvaises décisions

août 2009 - par Azul Etxeberri

Et si en plus le parachute vous lâche...

Un parachute pour nous sauver la vie ou nous pardonner nos erreurs ? Au sens booléen, la question sous-entend théoriquement deux réponses possibles mais je pense sincèrement qu'il a pourtant une multitude de façons d'aborder la réponse. Sans jouer les scientifiques, j'ai accepté de fournir à ULMag ce petit récit, celui d'une expérience personnelle, tout simplement. Il n'y a aucune volonté de ma part de démontrer quoi que ce soit. Chacun se fera une idée par lui-même.



Un simple ''incident''

L'incident (je l'appelle comme ça car je suis encore là pour écrire ces lignes) remonte à avril 2001. J'ai alors presque une centaine d'heures de vol (instruction + expérience personnelle). Certains ont peut-être déjà entendu parler du syndrome des 100 heures ! Je pense qu'il existe. On appelle ça de cette façon car, symboliquement, le pilote qui atteint ce stade sans problème peut parfois (je pèse mes mots) se sentir ''pousser des ailes'' et imaginer qu'il a tout compris du pilotage ! Les conséquences sont multiples : prise de risques, attention relâchée, témérité injustifiée qui peut très vite tourner au drame...

Après deux semaines de privation, je décide d'aller rechercher mon ULM ''abandonné'' sur un terrain de province suite à une météo exécrable. Pré-vol, mise en route... Bizarre, le moteur Rotax 582 pourtant en ''pleine forme'' ne prend pas tous ses tours. Je décide de faire quelques essais et voyant que j'atteins tout de même 5500 tours (le moteur était réglé pour 6400 en statique), je me décide à faire un tour de piste. Le décollage est poussif, mais le taux de montée reste convenable. Une question survient : Le voyage tant attendu doit-il être remis en cause pour si peu ?

De retour au sol, j'inspecte tout : cuves, filtres, gicleurs, aiguilles, puits, boisseaux, durits, réservoirs, allumage, bougies , antiparasites, bobine, faisceau d'allumage... Je démonte même le filtre à essence, le nettoie alors qu'il semble impeccable et le remonte. Facile, il est démontable (ce détail a aussi son importance). Débute alors une nouvelle série d'essais en statique. Pas d'amélioration notoire, le régime reste scotché à 5500 tours et je ne vois vraiment pas d'où peut venir le problème. Tant pis, je refais un tour de piste qui se termine avec les mêmes sensations que le premier.


Le moteur ne prend pas ses tours


Les mauvais choix

Cette fois, la témérité, à laquelle j'ai fait allusion un peu plus haut, va prendre le dessus. Je charge finalement mes bagages et décide de refaire un autre tour de piste, pour vérifier si la configuration ''voyage'' est acceptable dans ces conditions. Même scénario, même sensations. Que faire ? Repartir en train comme je l'ai déjà fait deux fois ? Risquer une météo moins favorable ? Ne pas trouver rapidement la panne, revenir encore et encore ? Bref, tout incident a un début et une fin, voici la suite...

Je décolle finalement pour un vol d'environ 4 heures. La météo est bonne, même si le ciel est assez nuageux, avec des cumulus épars. Le problème majeur de cette navigation est qu'il faut au moins passer les reliefs du Beaujolais. Seulement voilà, la montée est lente pour la raison évoquée plus haut. Je parviens tout de même à atteindre un niveau de vol acceptable pour passer les reliefs en toute sérénité, mais de ce fait, j'ai dû passer par dessus la couche basse par une de ses nombreuses trouées. Alors que j'ai peine à monter davantage pour assurer ma sécurité par rapport à la couche, le régime moteur se met à chuter assez subitement : 4500 tours puis 4000 tours ! Là, j'ai un vrai problème : Ma sustentation est limite et je suis pile au dessus d'un cumulus dont j'ai mal évalué la circonférence ! La suite des événements est assez évidente...

Je tente par tous les moyens de retrouver des tours minutes, mais rien n'y fait : le vario vire au négatif et ce foutu cumulus s'avance sur moi. Les premières barbules apparaissent et je ne peux empêcher l'appareil de s'enfoncer au risque de décrocher. C'est pourtant ce qui se passe. Le réflexe forcené de vouloir sortir à tous prix de l'endroit me font bafouer les règles élémentaires de la physique que je connais pourtant bien. Je pense que j'ai dû trop cabrer et que l'appareil a décroché. Il est maintenant dans une posture que je ne connais pas et la lecture des quelques instruments dont je dispose ne suffit plus. Je ne parviens même plus à remettre la bille au centre... Alors que je sens bien que l'appareil n'est plus dans une ligne de vol très orthodoxe, le badin se met à grimper à des vitesses que je n'avais jamais atteintes. Réflexes d'école : Je réduis complètement les gaz et je tire sur le manche pour ne pas emplafonner la Vne. J'ai la sensation, forcément trompeuse, que l'appareil est en chandelle lorsque ma carte se retrouve collée au plafond. A l'évidence je ne maîtrise plus rien et je ne suis toujours pas sorti de ce nuage. La coupe est pleine ; je jette l'éponge. Après tout, j'ai un parachute et je n'ai qu'une vie. Certes, j'ai commis erreurs sur erreurs, mais je n'ai pas l'intention de mourir pour autant.





Le méga-stress

Je tire donc la poignée magique qui m'a coûté si cher, mais là... rien ne se passe ! Mon rythme cardiaque est au plus haut car, même si je suis dépassé par les événements, je réalise que je la situation est dramatique. Je tire de toutes mes forces sur la poignée mais je n'arrive pas à extraire plus d'une quinzaine de centimètres de câble et le parachute ne se déploie toujours pas. Pendant ce temps l'appareil fait ce qu'il veut. Comme il faut faire très vite, je finis par lâcher cette poignée de merde pour tenter de reprendre le contrôle de l'appareil. Après tout, j'avais de l'altitude au départ. Je débouche du nuage et vois le sol se rapprocher assez rapidement en tourbillonnant. Plus de doute, mon Coyote II S6 ES est en vrille et je vais me planter si je ne je débrouille par très vite l'écheveau d'incohérences qui m'ont amenées là où je suis.

Fort heureusement pour moi, et bien que je n'aie jamais pratiqué, je connais la théorie d'une sortie de vrille. Manche au neutre, pied à contre... j'applique et ça marche. L'appareil se stabilise enfin, mettant fin à mon cauchemar et me rappelant qu'il y a des jeux auxquels il ne faut pas jouer et que certaines erreurs ont parfois des conséquences tragiques. Je rentre au terrain, comme à la fin d'un vol très ordinaire, avec la sensation d'avoir gagné une vie.


La poignée sensée sauver la vie... qui n'a aucun effet !


Débriefing

Comme vous avez pu le constater et l'inventorier au fil de cette lecture, une accumulation d'erreurs (certaines sont impardonnables) est à l'origine de ce qui aurait pu être mon dernier vol. Avant de vous parler de ce que je pense du parachute de secours, revenons-en à ce qui n'aurait pas dû se produire.

- Lorsque le régime moteur n'est pas le bon (même pour 900 tours), on annule le vol, purement et simplement. Tant que les essais en statique ne sont pas concluants, il est même impensable de faire des tours de piste. Trouver l'origine de la panne est la seule solution raisonnable. Je n'ai jamais dérogé à ce principe depuis.

- J'aurais dû souffler dans le filtre à essence, c'était ça le problème ! Un filtre d'une maille inadapté finit par être obstrué par de minuscules impuretés qu'on ne voit pas à l'oeil nu. Je ne me cherche pas d'excuses, mais un filtre neuf qui a fait 70 heures sans problème peut difficilement être mis en cause. A cette occasion, j'ai appris qu'il en n'était rien. Faites attention, c'est effectivement très pratique d'avoir un filtre démontable pour sa facilité de nettoyage, mais en l'occurrence, la maille de celui-ci, pourtant vendu en magasin spécialisé (sic), était trop fine et le débit d'essence insuffisant pour la motorisation de mon ULM. J'ai donc remonté un filtre d'origine (Rotax) et n'ai plus jamais eu de problème.

- Compliquer un vol déjà perturbé par des incertitudes mécaniques relève de l'inconscience. Le vol se serait peut-être bien déroulé dans des conditions météo parfaitement CAVOK mais cette expérience m'a apporté au moins la certitude que les accidents ne sont que très rarement l'oeuvre d'un facteur mais de plusieurs auxquels on ne peut plus faire face.


Un tamis inadapté peut conduire à une perte de puissance, voire à l'arrêt du moteur.


Le parachute

J'ai fait toute mon instruction et mon perfectionnement sans équipement de ce genre. Je n'ai équipé mon ULM qu'en 2000, date à laquelle j'ai obtenu l'emport de passagers. Chacun a sa propre approche du phénomène mais, en ce qui me concerne, comme j'ai très souvent quelqu'un à bord, je ne veux pas qu'il soit dit que je n'ai pas pris toutes les précautions nécessaires. Comme tous ceux qui en sont équipés, j'accepte d'acheter au prix fort une option qui est justement sensée ne jamais servir, un peu comme on prend une assurance.

Comme je n'ai aucune idée de ce qui est enseigné de nos jours à ce sujet, j'ai, de moi même, intégré une séance d'information avant chaque vol entrepris avec un passager. Je trouve déplorable d'apprendre parfois qu'un accident a fait deux morts alors qu'il y avait un parachute et que ce dernier n'a pas été activé parce que le pilote n'avait simplement pas montré la procédure de déclenchement à son passager ! Cela prend du temps, mais je le fais avant chaque vol en duo et, en général, le message est extrêmement bien perçu.

Lorsque j'énonce la procédure, je n'évoque que 3 cas de déclenchement, dont un seul peut être l'oeuvre du passager :

- Rupture de tout organe essentiel à la poursuite du vol : Commande, aile, hauban... Dans ce cas précis, le déclenchement n'est assuré que par le CDB lui-même.

- Perte de contrôle dû à un phénomène extérieur : Turbulence de sillage, vrille incontrôlable. Dans ce cas précis, le déclenchement n'est assuré que par le CDB lui-même.

- Perte de connaissance du CDB : arrêt cardiaque, malaise, collision si le pilote est seul touché. Dans ce cas précis, et uniquement celui-ci, le passager appliquera la procédure d'urgence.

- Afin que les missions de chacun soient parfaitement claires, j'informe mon passager qu'un déclenchement intempestif (moment de panique du passager) peut très mal finir et qu'il n'y a, de toutes façons, qu'un CDB, c'est à dire une seule personne capable de prendre les décisions.


Ce que j'en retire

Nous sommes en 2009 et ma philosophie est rigoureusement la même qu'à mes débuts. J'ai un parachute pour mes passagers et pour moi-même mais je n'ai pas oublié que tout peut arriver et que la sérénité en vol passe par la rigueur de chaque instant dans tous les domaines. Même si le phénomène relaté est, je l'espère, parfaitement marginal, il faut tout de même avoir en tête que le parachute n'est pas là pour récupérer nos erreurs mais répondre à une situation d'urgence tout à fait exceptionnelle. Avec du recul, je pense modestement avoir atteint une certaine sagesse au point d'affirmer que je volerais de la même façon, que mon appareil soit équipé ou non d'un parachute. Cette expérience cauchemardesque m'aura donc rendu le meilleur service qui soit...






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