Il y a les sournois qui dissimulent leurs intentions, et ceux qui exposent clairement leur stratégie.

Damien Fauvet, le patron de Turbotech, a choisi de dévoiler ses objectifs face caméra, lors d'une interview accordée à Jumpseat pendant le salon de Friedrichshafen.

Petit retour sur Turbotech.

Cette start-up novatrice spécialisée dans la conception et la fabrication de turbopropulseurs pour l'aviation légère est basée à Toussus-Le-Noble, dans les Yvelines. Le collectif qui la manage provient de l'industrie lourde des turboréacteurs d'avions commerciaux. Damien Fauvet, Jean-Michel Guimbard, Marc Nguyen et Baptiste Guerin se sont donnés pour mission de permettre à l'industrie aéronautique légère d'entrer dans un avenir durable grâce à des solutions innovantes.

Le turbopropulseur TP-R90 qu'ils ont développé semble très bien conçu et adapté à l'aviation légère, avec des avantages non négligeables en termes de performances, de polyvalence, de sécurité et de maintenance.

Leur première apparition au salon de Blois 2021 a suscité un intérêt certain du public comme des professionnels.

J'ai également été conquis par ce souffle novateur et la technique intelligente mise en chantier dans ce projet.

A l'époque, le produit me fut présenté comme pesant environ le poids d'un Rotax 912iS. Poli, j'ai accepté l'information, n'ayant aucun argument contradictoire autre qu'un doute raisonnable et l'habitude de me faire enfler par les fiches techniques fabuleuses (fabuleux, emprunté du latin fabulosus qui signifie légendaire, dérivé de fabula, qui veut dire fable...).

Mais les chiffres sont têtus et la balance revancharde. La turbine pèse en réalité un âne mort et ne peut en aucun cas remplacer un moteur à pistons sur un ULM déjà borderline en terme de masse.

Qu'à cela ne tienne ; les baveux de Turbotech ont visité la DGAC avec une litanie d'excellentes raisons débiles afin d'obtenir une ''extension'' de la classe 3, permettant d'annoncer 400 kg à vide et 600 kg en MTOW. Charge restant à l'avionneur de prouver que sa cellule accepte les contraintes de la surcharge, ce qui est déjà fait puisque la plupart des ULM pour qui se destine la turbine sont déjà validés (voire certifiés) 600 kg sur les marchés étrangers.

Grand seigneur, Damien Fauvet indique dans son interview que d'autres motoristes pourront profiter de cette avancée...

Tu parles Charles... y'en a pas !

Et dans un élan tout aussi magnanime, il précise qu'en concertation avec la FFPLUM (toujours en embuscade dans les coups foireux) et la DGAC, aucune demande d'augmentation de puissance ne sera demandée.

Bon... Là, faut s'arrêter deux minutes face au podium du foutage de gueule. Le réglage de la puissance s'opère sur la partie soft de l'unité informatique de gestion du moteur. Plus simplement, clic droit + contrôle W envoient le zinzin sur orbite avec 140 ch.

Croyez-vous deux secondes qu'un quidam qui lâche quatre cent mille euros dans un VL3 à turbine va se satisfaire de 109 poneys asthmatiques, sachant de plus que ses potes allemands ou belges se paieront sa tronche à chaque rencontre ?

Soyons sérieux...

Vous pouvez tout autant croire en la droiture d'un politicien ou la sincérité d'un avocat... Perso, je n'y crois pas.

Quand t'allonges quatre cent mille piastres à un vendeur, ton RIB devient le code universel de débridage des moteurs.

Qui veut parier avec bibi ?

A ce moment de l'interview, avec des arguments comme la sécurité, l'environnement, l'économie, le patriotisme, le jeunisme... on reste dans la simple manipulation.

Perso et bien que je trouve cela abject, je pense qu'un malin qui baise un con a raison de le faire ; le con n'avait qu'à l'être moins. Or là, les cons sont l'autorité de tutelle et notre fédération qui avalent les couleuvres comme les électeurs avalent leurs promesses :
- la sécurité d'une turbine est-elle meilleure que celle d'un bloc à pistons ? Quelle étude l'a démontré ? Quel recul le prouve ?
- l'environnement : la turbine consommerait 3 litres de moins que le Rotax 915iS qui est un gouffre non réglementaire en classe 3... Mais elle consomme tellement plus qu'un 912iS légal...
- l'économie avec une ''moindre'' maintenance... A 100 mille boules la trompette, ça vaudrait peut-être mieux !
- cocorico moteur français, jeunes ingénieurs motivés, courageux et inventifs... quand on n'est pas foutu de respecter un cadre réglementaire, le patriotisme n'est qu'un argument de substitution.

Mais là où on commence à rentrer de plain pied dans l'abjection, c'est quand le journaliste fait le parallèle entre monde déclaratif et monde certifié. A ce moment, le surprenant Damien Fauvet sort tout de go que la stratégie de Turbotech consiste à ''utiliser l'ULM comme vecteur de développement rapide, efficace et facile'' ... avant d'entrer en phase de certification.

PAILLASSON, je vous dis !

Merci d'essuyer vos godasses dégueulasses sur le paillasson ULM avant d'entrer dans le monde tout bien cadré de la certification.

C'est quoi qui me choque ?

La validation d'un système mécanique passe par son usage en configuration réelle. Un moment long et astreignant pour tout fabriquant qui dépense de l'oseille pour tenter de casser sa création, de comprendre pourquoi elle casse afin de renforcer ce qui doit l'être. Dans le monde certifié, ça coûte deux bras et trois reins. Alors que chez ces cons d'ulmistes, ça ne coûte rien. Si le machin s'arrête, le pilote le fera divinement planer jusque dans un champ où il atterrira comme un papillon, sans même égratigner la peinture de sa balle à 400 mille.

Ou pas... si on s'en réfère au nombre d'ULM rapides calcinés dans les champs, avec des occupants très décédés et des familles endeuillées...

Mais c'est pas gênant, puisque l'ULM le permet ! Show must go on !

Que le grille-con pèse 600 kg au lieu de 525 ne fait qu'accroître la vitesse de décrochage...
Ce qui, autrement dit, ne fait qu'augmenter la vitesse de contact avec le sol.
Ce qui, différemment dit, ne fait qu'augmenter au carré de ladite vitesse la brutalité du PAF, la violence du CRAC ou la cruauté du AÏE.

Mais cela n'est rien... Balayons d'un revers de main les mises en garde de feu Dominique Méreuze, dinosaure d'un temps révolu où voler requérait des pilotes qu'ils sussent que E = 1/2mc², avec un c traduisant une vitesse en mètres par seconde élevée au carré.

Qui prend les paris contre bibi qu'on trouvera d'autres rôtissoires turbo cramées dans les champs du futur ?

C'est si tant tellement évident que j'y engage ma meilleure tong de plage dans un tapis contre la galaxie.

Plus qu'une activité récréative, l'ULM est devenu un tremplin pour constructeurs opportunistes qui ne visent que l'économie dans les processus de développement et de certification.

Comme dit Gilou, philosophe-diéséliste et psycho-chaudronnier : les projets audacieux comportent parfois une part de vulgarité ; les projets commerciaux reposent souvent sur les valeurs méprisables.

Beaux vols, pour le loisir, pour le plaisir.

Miguel Horville