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Edito septembre 2022
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Fin de cycle sur tapis rouge

Le Mondial de l'ULM 2022 ne m'a ni surpris, ni déçu. Belle organisation, quoi que cela ait coûté aux adhérents de la FFPLUM, et belle vitrine d'exposants avec des modèles toujours plus remarquables.

Cela étant... La riche vitrine des ULM de Blois me fait penser aux showrooms des beaux magasins du quartier de la Grande Armée, où se jouxtent Ferrari, Lamborghini, Bugatti, Jaguar, Bentley... sans trop d'espace pour loger une Twingo.

Un no man's land incongru où le peuple se fait discret, peut-être étouffant de rancoeur, peut-être glorifié d'approcher épisodiquement une élite distante, avant de revenir sur Terre.

Sur certains stands, la moquette au sol me donnait l'impression de gravir les célèbres marches d'un autre rendez-vous du luxe et du faux strass lesté de vrais carats. Manquaient les escarpins révélés au revers d'un fourreau fendu, les cols à papillons et quelques liliputes au parfum entêtant.

Exposés, nul ULM, mais des avions... de beaux avions, facturés cent, deux cent, trois cent... quatre cent trente milles euros... ''ttc'' s'empresse-t-on de préciser !

Perso, je n'ai rien contre le luxe, ne suis pas jaloux, ni envieux. J'aime que notre société montre des signes de bonne santé.

Mais ''l'appareil simple'', comme les éditeurs de mots-croisés se plaisent à définir l'ULM, ne renvoie pas instinctivement à l'image du luxe.

De même, je n'ai rien contre la technologie. Il en faut. Et la dompter permet de la démocratiser. Nos pistons infaillibles n'ont-ils pas pour origine les gamelles fantasques des Manly, Gnome, Benz et autres Buchet. Le nier serait d'un révisionnisme coupable.

Mais si j'apprécie que l'aluminium remplace l'acier, que le titane remplace l'alu ou que le carbone remplace le hemlock et le spruce, je juge inadapté qu'un ordinateur gère la répartition électrique d'un ULM au motif que la somme des consommateurs dépasse la production énergétique de bord. Ce qui est indispensable sur un liner (pourvu de quelques centaines de kilomètres de conducteurs alumino-cuivrés) semble un chouïa to much sur un ''appareil simple''.

Si je n'ai rien contre les performances, j'estime que celles d'un ''simple appareil'' doivent tendre vers la plus basse vitesse d'évolution, afin de rester dans le concept d'un aéronef à mettre entre toutes les mains, facile à atterrir et très sécuritaire. Les pilotes ULM, de par leur formation, n'ont pas la précision, la rigueur des paramètres, de leurs homologues avion. Ce n'est pas pour rien que l'ULM bénéficie d'une réglementation avantageuse à plus d'un titre.

Rien de ce que j'ai vu à Blois ne s'accommode du sens conceptuel de l'ULM, ni de l'intégralité des items de la définition réglementaire. Tout en revanche nous propulse dans le monde d'une aviation pointue, hautement technologique, aux performances inédites (au rang des CDN répandus), au luxe insolent et aux tarifs délirants : 400 km/h ; 430 000 euros ; cuir ; RG ; PV ; PA ; PFD ; ND ; HA ; FLARM...

Alors c'est quoi le plan ? La réponse est simple et toujours la même : les constructeurs répondent aux souhaits des acheteurs.

Donc : qui sont les acheteurs ?

Là, c'est un peu plus compliqué et la réponse pourrait gêner.

Beaucoup de clients viennent de l'aviation certifiée. Des pilotes qui n'entrevoient pas de voler sans horizon artificiel (même s'ils ne savent pas s'en servir). Des pilotes qui exigent de la redondance jusqu'aux écrans à quinze mille. Des pilotes qui voyagent avec 150 litres de jus, et une prostate de nourrisson. Des pilotes qui foncent à 300, et qui se tôlent à 60 km/h dans un champ pour un sélecteur de jus mal positionné.

D'autres acheteurs pensent comptablement ; tant qu'à acheter un bel ULM et lâcher un gros chèque, autant aller au bout. Si les trains repliables ''n'augmentent que'' de 7 à 10% la facture globale, alors pourquoi s'en priver, d'autant que la revente sera facilitée. De même pour l'instrumentation : on revendra mieux un ULM haut de gamme avec des écrans cinémascopes, et ça ne fait que 5 à 10% de budget en plus. De même pour les équipements... un pas variable, un horizon ou un anticollision seront des valeurs sûres à la revente. Et au final le pilote raisonnable qui se satisferait d'une machine à 150 000 (déjà de la bonne satisfaction), s'en tire pour 200 à 220 mille.

Des sommes conséquentes, mais surtout des ULM qui n'en sont plus. N'en déplaise aux hypocrites qui assurent que si, si, alors que tout le monde sait que non, non.

Mais alors, pourquoi acheter des ULM coûteux, alors qu'on peut s'enorgueillir de posséder un bel avion de club, bien équipé et performant, pour des sommes très inférieures avec, qui plus est, la ''garantie'' d'état que ça ne tombera pas en panne ?

Bah... c'est que pour piloter ça, il faut entretenir la licence de son brevet, voir passer son brevet de pilote... et surtout connaître un toubib assez tordu pour accepter qu'on s'envoie en l'air avec une arythmie du nœud sinusal.

Qui a parlé d'opportunisme ? Moi. Et j'ajoute un opportunisme dégueulasse qui consiste à détourner la réglementation ULM avantageuse pour pratiquer l'avion sans avoir à en supporter les difficultés, au mépris du fragile équilibre de ladite réglementation et des possibles conséquences néfastes que cela peut engendrer.

Bref, jouer au grand en restant dans les jupons de mémé.

Tout ceci pose le décor. Mais il est une interrogation qui ne trouve pas instinctivement sa réponse sans qu'on fouille un peu le mental des constructeurs : qu'est-ce qui se passe au niveau des tarifs ?

Si l'inflation ''avouée'' par le gouvernement est de l'ordre de 6%, bien que tout le monde ressente davantage, bon nombre d'ULM semblent avoir pris entre 25 et 30%. Si on part sur un budget de 150 000 euros en 2021, ça nous donne possiblement un ULM avoisinant 200 000 euros aujourd'hui. Et pour 200 ke, on passe à 260 ! Là, on n'est plus dans la petite augmentation. Quand on doit remettre 50 à 60 000 euros de rallonge au motif que l'année 2022 est saturée de merdes stratosphériques, ça donne fissa envie d'inventer le voyage temporel.

La raison de ces augmentations techniquement et économiquement injustifiées est beaucoup plus contextuelle et opportuniste. Des acteurs du monde ULM pressentent une fin de cycle pour notre activité. Sont alors évoqués, de (proches) futurs problèmes énergétiques pouvant conduire à des rationnements de carburant, un activisme écologique puissant, une volonté de limiter l'activité humaine hors cadre populaire (football, cyclisme, télé-réalité...) et autres joyeusetés sociétales.

En conséquence et loin de chercher à populariser l'aviation de loisir (doux euphémisme), les constructeurs préfèrent limiter la production, rendant leurs produits plus rares, donc plus recherchés, donc plus chers. Pour eux, c'est tout bénéf' : pas besoin d'augmenter l'outil de production ou la masse salariale avec les risques que cela comporte dans une situation économique pour le moins chaotique, et s'assurer des marges de production plus importantes, donnant davantage de valeur à l'entreprise et des salaires plus élevés pour ceux qui en profitent.

Bref : se gaver pendant qu'il en est encore temps !

Le pôvre Mignet doit enchaîner les loopings, dans son coffret en bois d'arbre !

Donc Blois était un bien beau salon de l'aviation sportive et du luxe aéronautique. Une magnifique vitrine pour une caste sociale aisée. D'ailleurs les ulmistes ne s'y sont pas trompés... ils ne sont pas venus.

Bons vols, en finesse, en souplesse, sécurité... en ULM.

Miguel Horville

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