Posséder un objet n'est pas tout ; l'utiliser est fondamental. Et l'utiliser à bon escient est crucial.
Ainsi, nombreux propriétaires d'ULM, d'avions, n'utilisent pas leur appareil, ou peu, ou mal, parce qu'ils n'ont pas idée du bon usage qu'ils pourraient en faire.
Ennui, manque d'appétence, impression d'avoir fait le tour de la question... De ''mauvaises'' raisons contre lesquelles il convient de susciter l'envie.
Or il existe une antidote, plus que centenaire, à l'indifférence. Elle remonte à l'invention de l'automobile, du moins à ses débuts ''populaires''. Au début du XXe siècle, posséder une auto était parfois plus une gageure qu'un véritable luxe. Entre pannes et caprices, les voyages tournaient vite à l'épopée.
En 1900, les frères Michelin qui voulaient fourguer du gommard eurent l'idée génialissime d'inviter les totobilistes à sortir de leur zone de confort en balisant leurs itinéraires d'adresses utiles à la réparation de leur tuture et de ''bonnes'' tables ou hostelleries. Ainsi prémunis d'infortunes courues et attirés par des cartes alléchantes, les voyageurs vaporisaient du caoutchouc pour le plus grand bonheur du manufacturier de Clermont-Ferrand.
Ils possédaient l'objet et en faisaient le ''bon'' usage.
Pour en revenir à nos aéronefs, le bon usage à en faire est de voler. Enchaîner les tours de piste devenant vite lassant, on doit chercher un meilleur emploi. Et c'est parfois là que ça coince. Tout le monde n'a pas l'ambition de voyager, plus ou moins loin. On peut avoir les chocottes de s'aventurer hors de la ''zone de confort'', laquelle a perdu de son intérêt depuis qu'on la pratique.
Le p'tit coup de pied au cul nécessaire est offert par les clubs, leurs sorties, balades, rassemblements, journées découverte (anciennement journées portes ouvertes ou JPO), barbecue, vide-grenier...
Les clubs opérant ces activités sont nombreux ; de fait on n'est jamais très éloigné d'un événement. Et c'est l'occasion de voler avec un but, de rencontrer d'autres pilotes, de découvrir des endroits sympa et... enfin de faire un ''bon'' usage de son zinzin à hélice.
Côté club, ces activités apportent de nombreuses retombées positives, en contrepartie d'un investissement (principalement humain) non négligeable. Deux exemples illustreront le propos.
Journée découverte annuelle de l'aéroclub du plateau Mellois à Chenay dans les Deux-Sèvres. La plate-forme LF7922 (affiliée FFPLUM) dispose d'une piste facile de 500 mètres ouverte à toutes les classes.
Le calendrier des manifestations est déterminé durant l'AG de janvier. Si la logistique est affaire de semaines (contacts, choix des intervenants, enrôlement des bénévoles...), l'organisation pratique, dont l'approvisionnement des denrées ou l'attribution des tâches, débute une dizaine de jours avant l'événement.
Pour éviter les lourdes exigences sécuritaires et administratives d'une manifestation aérienne, ULM-Chenay a choisi la formule ''journée découverte'' que toute association 1901 peut organiser, se limitant à faire la promotion de l'activité du club (baptêmes, école...). Les baptêmes sont réalisés par des personnes autorisées par le club en la personne de son président du club, Thierry Charrier dans cet exemple.
S'agissant d'une activité publique, la publicité est faite auprès de la FFPUM et des comités, des magazines spécialisés, des pilotes à travers les envois en nombre, des réseaux sociaux, de la presse régionale, des offices de tourisme concernés...
Pour une question de gestion, le club demande aux participants de s'inscrire pour profiter des repas JPO. Le club peut faire appel à des traiteurs, mais le budget est forcément conséquent, de sorte qu'il est préférable de se débrouiller en interne, chacun apportant sa collaboration. Au fil du temps, le club fait les investissements nécessaires pour être autonome et les relations avec des associations permettent de profiter de prêts de matériel si nécessaire (friteuses, cafetières...).
Traitant en interne, on gagne en souplesse. Ainsi en août 2022, sur deux jours totalisant 120 repas payants, 70 personnes ont pu déjeuner le dimanche (journée phare) pour seulement 40 inscrites. On consent cet effort parce que c'est l'esprit club et que c'est bon pour le club.
Avec le temps, on tisse un réseau de partenaires avec les professionnels locaux. Par exemple, une grande surface accepte d'avancer des canettes de boisson en surnombre et de reprendre ce qui n'a pas été consommé au terme de l'événement. Ou encore, un brasseur avance des tonnelets de bière et récupère les unités non consommées. Pour un petit club, c'est un avantage énorme.
En terme de bénévolat, une quinzaine de membres s'investissent à fond pour l'organisation, et une dizaine aident ponctuellement le ou les jours de l'événement (stationnement, billetterie des baptêmes, buvette, service...).
Comptablement, dès lors qu'on traite en interne, le club économise la prestation et affiche un bénéfice sur la restauration. Les baptêmes opérés par les membres du club sur les machines du club rapportent l'intégralité du coût de la billetterie. Ce qui n'est pas le cas quand les membres ou accrédités opèrent avec leur machine personnelle pour le compte du club. Mais globalement, le résultat reste bénéficiaire.
Il est toutefois clair que tout le succès d'un tel événement, tant comptable que publicitaire, dépend de la météo. La venue en vol des ULM extérieurs apporte beaucoup, ne serait-ce qu'en terme d'image. Quand la presse locale couvre ces journées découverte, un plateau rempli d'ULM et de visiteurs a toujours un meilleur impact.
On en arrive à la raison d'être des événements comme les JPO. Selon Thierry Charrier, le club a beaucoup à gagner à développer son activité au travers d'une image positive. Que le public comprenne que l'aérodrome lui est destiné est un point important qui profite à la mixité des personnes, pouvant déboucher sur des baptêmes, des inscriptions à l'école de pilotage... La renommée du club en sort grandie et donc son essor aussi.
L'aéroclub vendéen ULM 85 (affilié FFPLUM) créé début 2022 proposait une sortie aéronautique mêlant ULM et avions début novembre. Un pari audacieux en terme météorologique, mais qui a été couronné de succès.
Ange Sylvain, président du club et gérant de l'atelier Aéro 85 situé sur l'aérodrome de Fontenay-le-Comte (LFFK), recherche les formules d'activité les moins onéreuses et entraînant le moins de contraintes possibles aux participants (horaires, obligation de suivre un parcours...). Le concept de la ''sortie'' est une réunion libre de pilotes sur la plate-forme de Fontenay avec un petit déjeuner offert par le club, suivi d'un moment de détente et de convivialité et d'une balade facultative thématique (notamment la tortore).
Il est donc proposé de voler ''comme on l'entend'' jusqu'à un aérodrome voisin (Cholet, distant de 70 km) sur lequel siège un restaurant. Pour ce coup d'essai qui fût réussi et apprécié, les participants ont dû réserver leur table afin de bénéficier d'un tarif groupe et de menus spéciaux. Le club a offert les taxes d'atterrissage (tarif de groupe) aux participants. Les pilotes étaient libres de venir directement ou de repartir sans passer par le point de rendez-vous.
Pour Sylvain, l'organisation représente 3 semaines de préparation, avec le stress des inscriptions tardives (restaurant). La dépense financière du club est faible et aucune déclaration administrative n'est nécessaire parce que chaque équipage se gère individuellement.
La publicité a été faite auprès des pilotes locaux, principalement par le bouche à oreille, l'envoi de messages en nombre et sur les réseaux sociaux.
L'idée est de faire connaître l'atelier Aéro 85 et de développer l'activité ULM du club par le biais d'événements.
La plupart des clubs organisent des JPO ou des balades. Les pilotes isolés (terrain perso) ou non assidus à leur plate-forme, doivent se tenir informés de ces activités. Contrairement aux grands rallyes (Tour -de France- ULM, rallyes régionaux...), les sorties proposées ne revêtent pas de difficulté majeure et s'assortissent généralement d'un report en cas de météo compliquée (chose impossible avec une grande organisation). La distance à parcourir est généralement faible, l'important étant de se rencontrer, de discuter et de déjeuner entre pilotes.
Pour ceux qui peinent à trouver une bonne raison de voler, ces événements sont idéalement dimensionnés et remplissent leur fonction : donner envie d'amuser les nuages.
Et pour les pilotes qui ne pratiquent pas assez, s'inscrire à quelques unes de ces sorties permet de se remettre régulièrement en jambes, ce qui est très bon pour la sécurité ''active'' de tout le monde.
Comme dit Gilou, philosophe-diéséliste et psycho-chaudronnier :
l'hypothèse de prendre du plaisir à plusieurs vaut toujours mieux que la certitude de s'emmerder seul.
Bons vols, en finesse, en souplesse, en sécurité.
Miguel Horville
La plate-forme de Chenay reçoit les ulmistes régionaux à l'occasion des journées découverte- © ulmag
Les JPO sont également l'occasion de partager une bonne bouffe entre passionnés et avec des locaux curieux de notre activité - © ulmag
Point de rendez-vous d'une sortie ULM thématique à Fontenay-le-Comte LFFK - © ULM 85
ULM et équipages réunis sur un aérodrome voisin pour le déjeuner - © ULM 85