Fédérer, uniformiser... désunir
La raison d'être d'une fédération est de promouvoir et organiser une discipline, dynamiser son développement, gérer les évolutions techniques, réglementaires, légales, piloter les interactions et mener toutes les actions utiles à l'ensemble de ces objectifs.
Une fédération se donne également pour mission de capter de nouveaux pratiquants ; notamment en valorisant sa pratique par le biais d'actions en communication extérieure.
En effet, toute fédération nécessite un effectif d'adhérents élevé pour asseoir sa position, optimiser son pouvoir d'action (parlons de dominance au sens positif du terme), et pour peser sur l'échiquier des doléances, notamment au plan comptable si elle dépend d'un ministère généreux.
Mais la nécessité d'expansion en vue de dominance peut aussi conduire une fédération à accueillir en son sein les pratiquants d'une discipline voisine et à aménager ses statuts (ou son règlement) en conséquence.
C'est le cas de NOTRE fédération FFPLUM dont la gouvernance prouve son besoin d'affirmer sa dominance par le rappel régulier du nombre d'adhérents, quitte à arrondir les chiffres avec les adhésions gratuites, les sympathisants et autres bidouilles fédérales éculées.
La FFPLUM a profité en 2019 d'une directive européenne permettant d'élargir le cadre réglementaire des ULM, notamment en terme de masse.
En appliquant, ne serait-ce que partiellement la réglementation offerte, et en adaptant quelques paramètres (puissance, vitesse minimale...) en accord avec l'autorité de tutelle (en l'occurrence la DGAC), la FFPLUM pensait-elle amener à elle des pilotes de la discipline ''voisine'' qu'est l'aviation certifiée, ou simplement légaliser les ULM trop lourds actuellement en circulation ?
Toujours est-il que l'intention possiblement louable se heurte à de palpables réalités : les adhérents qu'il convient de distinguer en plusieurs catégories dont notamment deux antagonistes :
- ceux qui craignent le changement à tort ou à raison,
- ceux qui profitent du changement pour de bonnes ou de mauvaises raisons.
Sans parler de ceux qui y voient une énième manifestation de la récompense aux mauvais élèves, concept inventé pour exaspérer les gens normaux...
NOTRE fédération opère dans le cadre d'une réglementation aérienne complexe. Mais ses adhérents profitent -cas unique- d'un règlement allégé et particulièrement avantageux (Annexe 2, régime déclaratif...). Aussi doit-on défendre cet acquis par tous les moyens et ne le mettre en péril d'aucune manière.
Ici l'adage ''pour vivre heureux vivons cachés'' prend tout son sens. Une philosophie qui s'oppose par essence à toute pensée expansionniste.
A ce stade, une synthèse s'impose : la fédé' entend accroître sa zone d'influence pour être forte, mais cela déplaît à une partie du socle historique des adhérents. Pensant l'esprit ULM ''dévoyé'', certains manifestent leur agacement, alors que d'autres quittent le navire.
Paradoxalement, la refonte de la réglementation ULM de 2019 n'attire pas les pilotes avion. La migration constatée est clairement opportuniste. Et pire encore, les nouveaux ULM flirtent de nouveau avec la limite pondérale quand ils ne l'emboutissent pas.
Dès lors une question se pose : la FFPUM a-t-elle eu raison ou tort de réviser ses fondamentaux ? A-t-elle choisi le bon chemin pour accomplir sa mission.
Personnellement, je ne remets pas en question la nécessité de nettoyer des règlements quand ceux-ci deviennent inadaptés ou obsolètes.
Mais dans le cas qui nous occupe, le règlement était parfaitement adapté à notre pratique ; mais comme l'a maintes fois relevé l'actuel président de la FFPLUM, ce sont certaines pratiques qui ne s'accordaient pas du règlement.
En fait, la formule était plus tordue : ''cette nouvelle réglementation permettra à tous les ULM existants d'être dans les clous et d'éviter l'hypocrisie''.
Ce qui revient au même, mais reporte la responsabilité sur la ferraille plutôt que sur l'individu.
Et pour faire plus clair : quand la règle est contraignante, on la change !
Je n'ose imaginer où en serait resté l'humanité si on avait appliqué cette doctrine à chaque difficulté... Un univers hémisphérique centré sur une Terre plate soutenue par quatre éléphants portés par une tortue !
Pour moi la FFPLUM s'est égarée en chemin. Par manque d'imagination et d'audace elle a raté l'occasion de satisfaire pleinement toutes les tendances (''ULM canal historique'', ''basiques'', ''néo-lourds'', ''ultra sophistiqués''...), d'aller au-delà des attentes de tous et, plus encore, de créer une nouvelle dynamique.
Parce que le mouvement ULM possède la possibilité (en partie grâce à l'Annexe 2) de régir sa réglementation et que la FFPLUM a l'oreille de l'administration.
Paradoxe de la dualité, elle voulait faire une fois bien, mais elle a fait deux fois mal.
Ce qu'il fallait éviter : l'unification de l'ULM sous une même définition, quelles que soient les caractéristiques des appareils ainsi dénommés.
Et à ceux qui défendent qu'une 2CV est une automobile au même titre qu'une Testarossa, je rappelle que les deux sont capables de rouler à 65 km/h ou moins, ce dont sont totalement incapables certains ULM.
Au contraire. La FFPLUM aurait dû se saisir de la nouvelle réglementation européenne concernant les aéronefs légers pour créer une classe nouvelle (appelons-la ''classe X'').
Dans les grandes lignes, la classe X adopterait sans restriction des dispositions ULM européennes (600 kg...), simplifiant le commerce neuf et d'occasion dans toute l'Europe. Le brevet ULM suffirait à piloter les ULM de classe X (multiaxe pour la classe 3X, autogire pour la classe 4X, hélico pour la classe 6X...). En contrepartie, si dans un premier temps les statuts de l'Annexe 2 pourraient s'appliquer, la FFPLUM ne s'opposerait pas a posteriori et de manière non rétro-active à des évolutions sécuritaires comme l'obligation d'équipements embarqués, le contrôle technique des machines, la visite médicale, les évaluations périodiques...), avec l'accidentologie comme principal marqueur.
Les classes actuelles resteraient en l'état à quelques détails près :
- aucun changement pour les immatriculations existantes,
- les équipements sophistiqués trains rentrants et pas variable relégueraient l'ULM en classe X lors de toute mutation,
- les masses et la Vs0 reviendraient au valeurs d'avant 2019 pour tous les ULM neufs,
- la puissance des moteurs seraient unifiée pour tous les ULM biplaces et tous les ULM monoplaces,
- le surcroît de puissance dans la limite autorisée par le traité européen reléguerait en classe X.
Et tant que nous y sommes, pourquoi ne pas réintroduire les sous-classes d'ULM légers qu'on pourrait nommer ''classes L'' pour loisir, AULL ou AU2L (pour aéronef ultra léger de loisir), répondant à l'Annexe 2, partiellement déréglementées.
Les ULM de classe L seraient mono ou biplaces avec :
- Vs0 basse démontrée (par exemple 45 km/h),
- masse maximale réduite,
- vol limité aux espaces français de classe E et G,
- hauteur maximale de vol limitée,
- accès non systématique aux aérodromes,
- aucune sophistication hors parachute de secours...
- VHF seule autorisée,
- utilisation exclusivement loisir (pas de vol rémunéré, pas de travail aérien...), à l'exception de l'instruction (ou REV...).
Avec des classes ainsi définies : les déçus des 500 kg qui en auraient voulu davantage seraient satisfaits ; les réfractaires à tout changement seraient satisfaits ; les débris historiques seraient satisfaits ; de nouveaux pratiquants viendraient s'adonner à un ''loisir'' sans arrière-pensée et la technologie évoluerait forcément pour répondre aux critères techniques imposés, ce qui irait dans le sens de plus de sécurité, de performances, voire d'écologie avec des mécaniques modernes plus adaptées.
En corollaire, la FFPLUM qui s'est octroyée la charge de l'assurance tiendrait une comptabilité analytique des coûts de l'accidentologie sur laquelle serait indexée la grille de tarifs des cotisations. Une pratique généralisée partout, sauf dans notre activité. Une manière de récompenser - pour une fois - les bons élèves.
Il aurait été innovant de présenter un tel schéma en 2019. Le faire aujourd'hui serait audacieux. Mais la marque d'une grande fédération n'est-elle pas l'audace ?
Aujourd'hui, nous sommes face à un possible séparatisme*.
Notre activité tourne en rond sans évolution marquante.
Notre avantageuse réglementation - notablement sous-utilisée - est MISE EN PERIL.
La classe d'âge à plus forte activité se lasse...
Comme dit Gilou, philosophe-diéséliste et psycho-chaudronnier :
la quadrature c'est quand on parvient à transformer un cercle en petits carrés ; la connerie, c'est de vouloir faire un carré avec des cercles... (mais certes, il s'adonne à la boisson).
Bons vols, sous la neige, sous couvre-feu, sous surveillance...
Miguel Horville
* séparatisme : vocable peu usité tendant vers l'obsolescence