En février dernier, l'équipementier E-Props publie une vidéo
''Droit de réponse'' suite à un comparatif d'hélices paru dans un magazine ULM vendu en kiosque.
Grosse amertume d'un l'industriel innovant qui voit ses efforts récompensés par un article bourré d'erreurs, d'approximations et de contre-vérités, toutes nuisant à sa marque.
La lecture de l'article suivie du visionnage de la vidéo laisse peu de doute quant à la partialité des conclusions.
Mon sujet n'est pas de comprendre les raisons d'un tel ratage. Ni d'apprécier des compétences journalistiques de l'auteur, sa sincérité ou son intérêt.
Peut-être au contraire, vais-je tenter d'expliquer pourquoi la comparaison en matière aéronautique est une aventure à haut risque.
S'y lancer demande un tel investissement, que nos médias désargentés ne peuvent s'y frotter sans risquer de passer pour des cons. Objectif atteint, semble-t-il.
Le comparatif est une activité que je connais par cœur pour l'avoir exercée torrentiellement durant deux décennies.
J'ai réalisé des centaines de comparatifs entre motos, parfois jusqu'à 10 modèles, entre autos...
Je l'ai fait dans le domaine terrestre parce que :
- la liminaire répétibilité des tests est possible,
- les conditions d'essais ont peu d'influence sur les résultats,
- les produits testés sont en configuration standard, tels qu'on les trouve en concession,
- l'enchaînement des tests est facile et rapide du fait que l'on reste sur terre, passant d'un engin à l'autre sans autre délai qu'un ''reset'' de l'enregistreur de données...
Enfin, je l'avoue, la dangerosité d'un essai routier ou sur circuit est sans commune mesure avec celle d'un essai d'aéronef, dès lors qu'on pousse les performances au maximum, ce qu'exige un comparatif. Sinon, comparer quoi... ?
Ainsi quand le responsable du magazine VOLEZ! qui m'employait autrefois m'a suggéré de comparer les ''ULM ayant la meilleure finesse'', j'en ai parlé à un expert, Jacky, vélivole accompli du club de Brioude.
Sa réponse fut des plus révélatrices :
- si tu as beaucoup de temps, et très envie de voler, c'est une bonne idée...
- pourquoi beaucoup de temps ?
- parce que moi qui suis sensé ''sentir'' la finesse d'un planeur pour l'exploiter au mieux, je suis incapable de statuer en moins d'une saison de vol, à condition de voler tous les jours. Entre les chiffres annoncés par les constructeurs et la réalité observable en toutes conditions, il y a un océan qu'on ne traverse pas en canoë !
Je me suis retiré du projet et la rédaction en a abandonné l'idée.
Il ne passe pas un mois sans qu'un lecteur d'ULMaG ne réclame un comparatif entre deux ou plusieurs machines. Je refuse systématiquement l'exercice, sachant une réalisation équitable quasiment impossible à exécuter.
Pour être limpide : comparer deux engins terrestres sur des critères objectifs est simple : prenons une accélération suivie d'un freinage. Gaz à fond au premier signal et freinage d'urgence au second. Une chèvre déficiente réussirait cela.
Mais tenter un atterrissage court en aéronef, cela dépend pour une part des performances intrinsèques de l'objet, pour une autre des compétences du pilote. Or là, les choses se compliquent.
Qui est bon en short landing ? Pas moi c'est sûr. Je suis même plutôt une grosse tanche. Sauf que sur ma piste perso, étoilée funeste au grand classement des pistes merdiques, là où j'ai obligation d'atterrir, y'a pas meilleur fin poseur que bibi. Sauf petite forme.
Et puis il y a les ULM qui me causent... avec lesquels j'accomplis des trucs sympas. Et d'autres que je ne ''sens'' pas, et pourtant avec lesquels d'autres pilotes se régalent..
Vous la voyez, la farce ?
Piloter un zinzin, c'est pas si simple qu'écraser alternativement deux pédales ou tourner une poignée.
Quand je poussais trop une sportive sur circuit, je ruinais mon cuir, mon casque et payais ma tournée au bar du circuit. Et tout le monde se marrait bien, moi le premier.
Je n'ai pas envie de connaître l'histoire d'un essai ULM poussé au delà des limites (siennes ou miennes).
Or réaliser un comparatif, c'est tester la limite de chaque objet. Sinon c'est juste faire plaisir à des constructeurs peu regardants.
Bah pour ça... il faut... je sais pas quoi, mais autre chose que des nains journaleux comme nous autres.
Et surtout : C'EST PAS UTILE !
Pour en revenir au comparatif polémique, il est seulement regrettable qu'il ait été raté. Car de nombreux propriétaires d'ULM sont curieux de connaître les données objectives comparées (en premier lieu en terme de performances), des deux héliciers leaders français.
Mais cela reste très compliqué à réaliser correctement. Il faut comparer des appareils identiques dans des conditions identiques. Donc le même ULM, équipé d'un modèle réglé au petits oignons, puis de l'autre modèle pareillement optimisé.
Donc je monte une hélice puis décolle à 10 heures. Les tests en vol durent, au plus court 30 minutes, en réalité une heure. Et si le calage est imparfait, je repars en test... Admettons que tout va bien : les paramètres ont tenu leurs promesses. Le mécano monte l'autre hélice, ce qui me permet de repartir en vol vers midi. Mais pas de bol ! L'aérologie a changé, la température a augmenté, la pression diminue... C'est foutu pour aujourd'hui. Et demain... ça pleut.
Jour 1 : j'ai comparé un demi ULM. Au fait, combien y'a-t-il d'ULM sur le marché ?
Quand je dis aventure à haut risque... je pense être bien en dessous de la vérité. Mission impossible semble une locution plus appropriée.
Et là me reviennent en tête les paroles de Jacky, le vélivole. Une saison... des vols réguliers... pour statuer... sentir le machin...
SENTIR... Voilà le terme qui convient. L'hélice truc est-elle mieux que l'hélice chose ? Bah, pour Roro, y'a pas photo. Pour Lulu, c'est moins clair. Et pour Domi c'est plutôt l'inverse.
C'est quoi le point commun entre ces 3 pilotes incapables d'accorder leur violon ?
C'est qu'il n'attendent pas la même chose de leur ULM, de leur hélice, qu'ils ne possèdent pas les mêmes ULM, que leur ressenti est différent...
C'est vrai pour une hélice ; c'est vrai pour un ULM ; c'est vrai aussi pour une bagnole ou une godasse, pour une gonzesse ou un clébard. On a chacun une sensibilité différente ; un ressenti personnel ; une attente particulière. Alors les comparos objectifs ; pfffff ! La belle affaire...
Comme dit Gilou, philosophe-diéséliste et psycho-chaudronnier :
heureux celui qui honore sa blonde sans regard pour les brunes ; il ne souffre pas le tourment de la comparaison... (mais il dit aussi beaucoup de conneries).
Bons vols, en finesse, en souplesse, en sécurité.
Miguel Horville
Voir la vidéo ''Droit de réponse''