Le 6 mars 2018, la justice statuant sur un ''homicide involontaire'' a prononcé une décision clouant définitivement au sol un pilote multiaxe suite à un accident ayant entraîné la mort de son passager.

Le crash a eu lieu en septembre 2016, suite à une longue navigation, à quelques kilomètres de l'aérodrome de destination. Le pilote âgé de 76 ans était très expérimenté.

La reconstitution des faits a montré que l'accident est consécutif à l'obstination de parvenir à destination en dépit de conditions dégradées : ce qu'on peut qualifier d'entêtement.

En effet, le rapport du BEA et les attendus de la cour ne laissent planer aucun doute. Le pilote a commis une faute comportementale qui s'est soldée par un drame.

Le retrait de licence à vie paraît même anecdotique face aux indemnisations financières réclamées par la famille du défunt.

Pour préciser le propos, ce dernier âgé de 56 ans était pilote paramoteur en formation multiaxe, ce qui peut expliquer sa présence à bord, mais pas le rendre responsable.

Mais en tout état de cause, le pilote était commandant de bord et avait donc l'entière responsabilité du vol et des décisions y afférant.

Cette mauvaise décision - entêtement - de nombreux pilotes l'ont prise. Un bon ami m'a raconté son retour par nuit noire avec une demi goutte de carburant, sur un terrain malcommode et nouveau pour lui.
Sauf qu'il était seul à bord...
Sauf qu'il ne s'est pas crashé...
Sauf qu'il a eu du bol.

Tous n'ont pas eu la même chance après avoir taquiné leur destin. Le rapport très bien rédigé du BEA conclut d'ailleurs qu'un nombre non négligeable d'accidents mortels présente un caractère ''d’objectif destination'' et que le risque d’accident en conditions défavorables (météorologie, éclairement) augmente à mesure que les pilotes se rapprochent de leur destination.

Ce qui doit décider un pilote à interrompre son voyage est de la même nature que ce qui doit le décider à ne pas l'entreprendre : la certitude ''d'agir en individu responsable''.

Si la notion d'individu responsable devrait être étendue à toute personne sortie de l'enfance, elle doit particulièrement distinguer les pilotes qui pratiquent une activité non dénuée de risque, et dont on sait que le facteur humain est déterminant.

La responsabilité, érigée en maître-mot par notre mouvement ULM, est un sauf-conduit qui nous permet de négocier notre indépendance face aux fossoyeurs des libertés.

A contrario, l'irresponsabilité de certains comportements conduira forcément ces mêmes entités sombres à reconsidérer notre volonté d'évoluer librement.

Il ne s'agit donc pas d'un caprice de président de fédération, mais bien d'une finalité.

Et lorsqu'on prend une décision responsable, aux conséquences déplaisantes, qu'on l'assume et qu'on est certain d'avoir ''bien agi'', on se sent grandi. J'ai, comme nombre d'entre-nous, connu l'entêtement ; à l'arrivée, je n'étais pas satisfait. Mais quand j'ai choisi de me compliquer la vie en interrompant un vol, le déroutant ou l'annulant, je me suis senti ''grand'', adulte, et fier de moi.

Parce qu'en moi-même, j'ai pensé que mes proches étaient contents de s'épargner des frais d'obsèques, que mon chien remuerait la queue plus tard à mon retour, mais qu'il la remuerait.

C'est parfois difficile de renoncer. C'est sans doute ce qu'il y a de plus difficile à réussir.

Mais à ne pas vouloir renoncer, à s'entêter, on attrape de vilains réflexes et on finit par devenir très con.

Comme le répète souvent Gilou, philosophe-diéséliste : une idée n'est réellement lumineuse que si ses opposants en sont aveuglés ; à défaut c'est une connerie.

Bons vols,

Miguel Horville

Lire le rapport du BEA