Pour l'amour ou la cuisine, j'évite l'anglaise rigoriste et me jette dans les bras d'une française. Pour entretenir mon auto, je fuis le garagiste français. Pour l'humour, je m'éloigne du russe et plus encore du tchétchène. Enfin pour ma survie, j'évite de commercer avec un belge ou un italien. Ainsi parlait un de mes bons potes, idéologiquement alter-mondialiste, devenu réaliste par expérience.
Mouais... faut pas faire de généralités. Quoique...
En mars dernier, le BEA a rendu son rapport d'analyse d'accident concernant la collision en vol entre un avion de club et un ULM multiaxe performant le 10 octobre 2020 à Loches en Indre-et-Loire, entraînant la mort des 3 occupants de l'avion et des 2 occupants de l'ULM.
Sans revenir en détail sur les causes du drame, il apparaît que les deux pilotes ont violé la réglementation à plusieurs reprises et commis des imprudences.
Ce n'est pas cet aspect qui m'intéresse aujourd'hui, mais l'autre conclusion, technique celle-là, qui a mis en évidence une défaillance du parachute structurel de l'ULM.
Et plus précisément :
- le cynisme du constructeur,
- l'inutilité des recommandations du BEA,
- la vacuité de l'assurance,
- l'imprévoyance et l'inefficacité de la réglementation,
- le détachement de la fédération,
- les fausses bonnes solutions.
Le constructeur est Alpi-Aviation et l'ULM concerné un Pioneer 300.
Pour faire simple, le BEA juge le montage du parachute un chouïa léger, surtout si certains serrages de visserie sont insuffisants.
Personnellement je m'arrête déjà sur un point : confier ma vie au serrage de vis bridant un assemblage par adhérence est hors de question. Donc le montage est pour moi proscrit.
Mais encore une fois, la technique est aux antipodes de ma préoccupation.
Le cynisme du constructeur
Sommée d'apporter une réponse à la requête du BEA, l'usine italienne produit un bulletin de service obligatoire dont la teneur laisse un tantinet perplexe.
En effet, les tests de traction réalisés par le BEA sur les indications d'efforts à appliquer sur les câbles se sont avérés négatifs. En d'autres termes, le montage d'origine ne résiste pas à la force de traction, au moins celle indiquée par le constructeur ; la solution technique employée est donc remise en question, quelle que soit la qualité du serrage appliqué aux fixations.
Donc l'usine propose, pour solde de tout compte, de vérifier le serrage des fixations comme si ce n'était en réalité qu'un simple problème de serrage.
Alors que pas du tout !
Quant à l'analyse du BEA, comme toujours de haute tenue, elle fait apparaître un détail non relevé, mais qui selon moi apporte un éclairage des plus inquiétants : l'oxydation, au moins de surface, des éléments supposés être contrôlés. Comment se fier à un serrage, même parfait, appliqué à des pièces corrodées ou détériorées ?
La lourde opération de contrôle, voire de resserrage des pièces, nécessite 6 heures de travail pour un personnel spécialisé. Elle doit être rééditée chaque année !
Pour éviter ce désagrément (doux euphémisme), Alpi-Aviation propose un kit de sangles synthétiques qui ne nécessitent qu'une inspection tous les 15 ans. Mais ce kit ne peut être installé que par l'usine ou un représentant agréé par elle.
Il n'est nulle part fait mention d'une participation financière aux dépenses inhérentes à ce qu'on peut sans crainte appeler un vice caché. Car vice il y a (demandez donc à la veuve de Silvio Vio), et caché, on ne saurait l'être davantage.
L'inutilité des recommandations du BEA
Il n'est aucunement question de revenir sur le travail du BEA. Les enquêteurs qui traitent les affaires sont de grands professionnels, souvent eux-mêmes pilotes, qui ne se laissent abuser par rien qui ne soit factuel.
Par ailleurs, on perçoit dans ses rapports d'analyse que le BEA n'a pas pour but de ''juger'' les comportements, simplement de les corréler aux événements.
On peut ainsi regretter que les recommandations du BEA ne soient QUE des recommandations. Le nombre de ces recommandations ignorées ou assez altérées qui perdent leur valeur réparatrice ou préventive est encore élevé à ce jour.
En revanche, dans le cas présent, l'une des recommandations énoncées paraît davantage tenir du prêche idéologique de chapelle que d'un enseignement donné par l'accident lui-même. Et dans ce cas, le BEA donne à la fois l'argument, et sa contradiction.
Ainsi il est entendu à la lecture du rapport que les deux pilotes ont ''déconné''. Dès lors, on ne voit pas bien quel subterfuge pourrait transformer des comportements dangereux en comportements salutaires.
Or la recommandation portant sur des appareils électroniques de positionnement et de visualisation spatiale n'a pas lieu d'être : ferrez un âne, il ne sera jamais un cheval de course !
En conséquence le chapitre 5.2 du rapport concernant l'interopérabilité des systèmes de détection de trafic me semble être un prêche idéologique : voir et être vu, voilà le secret de la longévité en VFR. Tout le reste est discutable. Perso, l'abus de protection endort ma vigilance... ô combien !
La vacuité de l'assurance
Pour l'assureur fédéral, l'emport d'un parachute fait baisser le risque, du moins le coût financier engendré par d'éventuels accidents. C'est du moins ce que la ristourne accordée aux adhérents ainsi équipés tend à démontrer.
Mouais... On voit par cet exemple absurde que cela ne marche pas à tous les coups, même s'il est vrai que des vies ont été sauvées grâce à lui. Mais pour autant, la sophistication qu'apporte le parachute (terme administratif en vigueur) n'est pas le reflet de nombreux exemples de montages hasardeux, à commencer par celui de Alpi-Aviation, sans énumérer les bizarreries techniques imaginées par des constructeurs amateurs (très amateurs, trop amateurs...).
Pour l'assureur, il s'agissait initialement d'accompagner la FFPLUM dans sa démarche de sensibilisation. Dominique Méreuze, président de l'époque, s'activait à persuader les pilotes de l'utilité du parachute. Il a oeuvré pour que toutes les entités s'associent à sa croisade. En a résulté un bazar approximatif et peu convaincant.
En effet, quid du propriétaire qui envoie son parachute en révision (donc n'en a plus) ? J'ai posé maintes fois la question avec pour seule réponse une tape dans le dos et un gentil sourire.
Officiellement, l'ULM ne correspond pas à la machine déclarée sur la fiche et la carte d'identification, et la déclaration sur l'honneur faite à l'assureur est temporairement fausse.
Alors on se cloue au sol ?
On ne révise pas son parachute... est-on dans la fausse déclaration ? Est-on dans l'illégalité ?
Va, petit... vole... on verra ça plus tard.
L'imprévoyance et l'inefficacité de la réglementation
Sous la (légère) pression de la FFPLUM, la DGAC a accepté jusqu'à l'inacceptable dans l'usage fait de nos ULM. L'idée que je défends bec et ongles est que de joyeux opportunistes se servent de notre réglementation pour s'affranchir de la difficulté (complexité) à travailler avec un avion certifié.
Ainsi les baptêmes commerciaux en ULM s'enchaînent à marche forcée, ce qui donne régulièrement lieu à des drames, donne une image déplorable de dangerosité de notre discipline et permet à une presse généraliste avide de sensationnel de baver sur un sujet dont elle ne connaît que le bruit et la fureur.
Alors que dans la ouate, notre activité est une merveilleuse source de plaisir, dès lors qu'on ne cherche pas à ''faire du fric'' à tout crin.
Donc en dépit d'une liste effrayante d'accidents pour la plupart prévisibles et évitables, la réglementation permet toujours plus de fantaisies commerciales, avec des sous-traitants à peine brevetés qui enchaînent les figures jusqu'à la tragédie (hôtel Hibiscus), qui volent sans option de repli avec des poubelles volantes (Piton Mazerin, Rans, Félix), qui assurent leurs prestations quelle que soit la météo, au mépris du confort ou de la sécurité des ''baptisés''...
Et bien sûr, ce qui doit arriver arrive à tous les coups.
Et on se dit que la même réglementation qui oblige à une bagnole de taxi de passer des contrôles approfondis n'oblige pas un aéronef à être seulement vérifié ou son pilote testé !
La réglementation (via l'autorité de tutelle) pourtant prompte à inventer obligations et interdits souvent incompréhensibles, montre qu'elle ne prévoit rien, n'anticipe rien et... ne sert à rien. L'ULM est un jouet, pas un taxi : et même cela elle ne l'a pas compris.
Le détachement de la fédération
Dans le cas qui nos préoccupe aujourd'hui, comme de nombreux autres, la fédération ULM se comporte comme un média transmettant l'information de certains bulletins de service de constructeurs. Outre que l'information ne vaut que si elle est exhaustive, ce qui n'est pas le cas, le rôle d'une fédération qui se veut détentrice d'une valeur ajoutée comme la sécurité est de frapper fort sur les constructeurs qui laissent à désirer.
Exemple d'action que la FFPLUM pourrait réaliser : informer de manière claire et brutale des comportements déviants de constructeurs foireux. Quand on se targue d'être le chantre de la sécurité, on assume cette mission avec force de méthodes courageuses.
Cela me semble plus efficace que servir la soupe à des OBL opportunistes ou labelliser des légions d'instructeurs au sens de l'air approximatif, mais aux tableaux Excel d'excellence. Bon... pour comprendre cela il faut aussi parfois tenir le manche.
Je n'affirme pas que tout ce que fait la FFPLUM est mauvais. Il y a même des actions remarquables au rang desquelles la REV (remise en vol).
Mais il y a aussi, malheureusement cette volonté de vouloir fédérer à outrance dans le but de grossir les rangs. Et pour cela s'enticher d'une masse d'adhérents pilotes qui n'ont pas grand chose à faire dans son giron. Ceux-là mêmes qui poussent le mouvement ULM dans une direction qui causera sa perte, du moins celle de l'Annexe II que nous devrions protéger de toutes nos forces.
Les fausses bonnes solutions
L'ULM étant assujetti au régime déclaratif, on a bien l'idée d'une solution très simple qui consiste à ne rien faire du tout. Oublier purement et simplement le bulletin de service, ou au contraire chanter à tue-tête qu'on a fait les travaux d'inspection, alors que pas du tout. Qui ira contrôler ?
Mais dès lors, il faut compter sur une fatalité bienveillante afin qu'aucun accident grave ne survienne, entraînant une analyse du BEA, laquelle mettra sans coup férir le mensonge en évidence. Et là, mazette ! C'est la symphonie des emmerdes qui commence avec son cortège de sataniques désillusions : défection de l'assurance et en cas de décès ou d'invalidité, vente de tous les biens, prostitution du conjoint, des enfants et du poisson rouge, afin de payer les frais aux tiers...
Pire encore si on revend l'ULM. Là, il faut investir dans une commode de nuit XXL pour y loger les cachetons à dodo. Parce que si l'acheteur se prend une pelle cinémascope, la justice saura transformer l'ulmiste matois en ennemi public number one, avec à la clef : écartèlement, écorchement, pal et écoute en boucle d'un album de mumble rap.
A force de chercher... on trouve !
Dans cette affaire, Alpi-Aviation, a une conduite exécrable. Aucun respect des clients ; économie de moyens dans la résolution du problème et communication inexistante.
Cela mérite d'être dénoncé de manière tonitruante, dans la mesure où la sécurité active des pilotes est hypothéquée. Un boycott de l'enseigne paraît être un début de réponse acceptable.
Maintenant, soyons tout à fait honnête... A force de vouloir voler à bord d'avions identifiés ULM pour faire baisser le coût et la complexité d'usage, on peut fatalement s'attendre à des déboires. Et de ce côté, nous ne sommes généralement pas déçus.
Parce que pour parfaire le bonheur des pilotes d'avion-ULM, on fabrique des boîtes presque aussi hermétiques que nos super bagnoles où gonfler un pneu nécessite de bidouiller l'ordinateur de bord.
L'ULM devait être simple, comme il est défini à la fois dans les mots-croisés et dans l'Annexe II. Cela a dérapé, c'est consternant, mais c'était couru. Alors finalement, autant je persiste à défendre, par idéologie et conviction, les victimes d'abus commerciaux, quel que soit le montant de l'objet ou du préjudice, autant je n'ai aucune empathie pour des candidats aux emmerdes.
Comme dit Gilou, philosophe-diéséliste et psycho-chaudronnier :
le parachute est finalement presque toujours déclenché pour rattraper une bourde. Personne n'a-t-il jamais pensé à s'épargner ce petit désagrément ?.
Bons vols, avec ou sans rigueur, le parachute compensera.
Miguel Horville
lire et télécharger le rapport du BEA
lire et télécharger le bulletin de service Alpi-Aviation